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A Lausanne, la nuit porte jarretelles

«Sexy Gogo Show», «Soirée Piscine», «Hot Tension», «Bal des infirmières», les noms évoquent la culture des films X, et ce n’est pas un hasard.

Annoncées comme de simples soirées à thème sur les flyers des clubs, ces événements nocturnes intègrent, en fait, des shows érotiques de plus en plus torrides. A Lausanne, la généralisation des gogo dancers dans des boîtes traditionnelles commence à agacer une partie du public.

Récemment à l’Amnesia, lors d’une soirée thématique «piscine», un couple de danseurs plongé dans un tube aquatique à côté du dancefloor a choqué Sandra Weber, une habituée des lieux de 26 ans: «La nana a été complètement déshabillée par le mec, qui lui a finalement enlevé son string avec les dents.»

Un spectacle inattendu dans un club qui vise une clientèle mixte, jeune et branchée, et sans rapport avec celle des cabarets.

«Ce qui me dérange le plus, c’est qu’on ne soit pas prévenu, par exemple sur le flyer, ajoute la noctambule. Cela peut être très gênant, suivant avec qui l’on s’y rend. En plus, ce genre d’animation réveille le côté rapace et macho des hommes, ce dont on se passerait bien!»

«Ce strip-tease n’a duré que quinze secondes, à la fin d’un show d’une heure et demie, relativise Olivier Fatton, gérant du lieu. Nous ne mettons un avertissement que lors de soirées explicitement érotiques.» L’Amnesia organise ainsi ce week-end le «Sexy Gogo Show», qui a au moins le mérite d’annoncer la couleur…

Au MAD, on prépare cette semaine la soirée Halloween baptisée «Hôpital en folie». «Un mélange de gore et de sexe», promet une employée. «Ce ne sera que de la parodie, tempère la patronne Monique Duffard. Un homme avec un pénis d’un mètre de long paradera dans la salle…»

La «vraie nudité» n’est donc pas au programme, contrairement aux soirées Qarnaval (avec un grand Q…), organisées par le même établissement chaque année au mois de février. Même si la pub — «Tousapoil, soyez bestial» — donnait le ton lors de la dernière édition, la nudité des danseurs a heurté la sensibilité de Nathalie et Lina, deux jeunes étudiantes qui n’ont visiblement pas saisi le «deuxième degré» voulu par l’établissement.

«Nous sommes parties peu après le début du «spectacle»: franchement, c’était scandaleux pour une boîte.»

«Nous n’avons pourtant jamais eu de remarques à ce sujet», assure Monique Duffard. Seule une danseuse s’est plainte d’avoir été photographiée entre les jambes avec un téléphone mobile alors, qu’elle s’amusait nue sur une balançoire. Contrairement aux menottes et aux fouets, les mobiles munis d’un appareil photo seront donc interdits la prochaine fois.

L’escalade érotique touche l’ensemble de la scène lausannoise. Outre le MAD et l’Amnesia, des strip-teaseuses chauffent le Cult tous les dimanches lors des soirées «Hot Tension». Et le D! s’apprête à renouer, en janvier, avec ses nuits «Pulp».

Moins nombreux que les filles, certains garçons commencent cependant aussi à se plaindre de cette évolution. «Les animations devraient seulement servir à chauffer la salle et montrer l’exemple, dit Jorge Pereira, 26 ans, habitué des nuits enflammées lausannoises. Mais elles vont trop loin, et ça casse l’ambiance.»

Ces soirées chaudes sont parfaitement légales. «La loi vaudoise sur les auberges et les débits de boissons autorise strip-tease et autres spectacles analogues dans les établissements ayant une licence de night-club, pour autant qu’ils ne portent pas atteinte à la dignité humaine et que les clients aient 18 ans révolus», détaille Alain Jeanmonod, chef de la Police du commerce du canton de Vaud.

Mais «la décence dans ces établissements serait techniquement impossible à surveiller: elle impliquerait une présence continue», ajoute Eric Karlen, inspecteur à la brigade des moeurs.

A Genève, la loi interdit aux danseuses d’enlever le bas. Et même le haut. «Nous divisons les établissements en deux catégories, explique Frédéric Scheidegger, du Département de justice et police. Contrairement à la licence «cabaret-dancing», la licence «dancing» des boîtes de nuit usuelles autorise l’entrée dès 16 ans et interdit le strip-tease. Nous procédons régulièrement à des contrôles.»

Lausanne restera donc la ville la plus chaude du Léman, même si les patrons de boîtes constatent que la formule commence à s’épuiser. «Les strip-teases, c’est du vu et du revu, on veut proposer quelque chose de nouveau, dit Thierry Wegmüller du D!. Le culte du corps est à prendre d’un point de vue artistique, pour rigoler, pas du tout pour faire du voyeurisme.»

A l’Amnesia, on a pris conscience de certains excès, et Olivier Fatton veut freiner la surenchère: l’établissement a cessé d’organiser, au printemps dernier, ses Private Nights, lors desquelles les strip-teases à gogo attiraient une clientèle d’un nouveau genre.

«Ces soirées ne correspondaient pas à l’image bon enfant qu’on entend trasmettre. On veut vendre du fun, du rêve. Les danseuses doivent donner la pêche aux clients, et ça doit s’arrêter là.»