CULTURE

Barbie a sacrifié Ken pour une nouvelle jeunesse

A 43 ans, l’icône blonde refait sa vie avec un surfeur australien. Fallait-il illustrer aussi crûment l’évolution du couple? Thérapeutes et psychologues se penchent sur cette importante question.

Il n’est pas nécessaire d’avoir vu le film «Toy Story» pour savoir que les jouets font parfois des incursions bien réelles dans notre vie quotidienne. La séparation de Ken et Barbie, annoncée cet été, vient l’illustrer clairement.

Communiqués de presse, déclarations en grande pompe, cialis vancouver des spécialistes de la communication… Mattel, le géant du jouet, a voulu donner au changement de vie de sa poupée-star les contours d’une opération d’envergure.

Et pour ajouter une touche de réalisme à ce divorce spectaculaire, le fabricant américain a mis sur pied un scénario digne d’un film hollywoodien. «Ken et Barbie se sont quelque peu disputés lors du tournage de «Barbie 4», un film d’animation dont la sortie est prévue cet automne», explique l’entreprise. C’est dans les bras de Blaine, un surfeur australien, qu’elle aurait trouvé le réconfort.

Les arrière-pensées commerciales ne sont jamais bien loin — l’égérie de Mattel subissant depuis quelques années une féroce concurrence avec l’arrivée de poupées plus réalistes comme les Bratz. Ce divorce médiatisé permet à la marque américaine de frapper au bon moment. Un pari risqué, cependant, puisqu’il brise le mythe de l’amour éternel qui n’existe bientôt plus que dans le monde imaginaire des enfants…

«Barbie et Ken divorcent en pleine actualité du renouveau des valeurs fondamentales aux Etats-Unis, commente Philippe Jaffé, psychologue à l’Université de Genève. Outre-Atlantique, le contexte sociologique se recentre sur la famille avec notamment l’opposition au mariage gay.»

Le spécialiste trouve par ailleurs intéressant que le nouvel amant soit australien. «Une démarche culturellement significative de notre époque, qui permet par ailleurs de globaliser le produit.»

D’autres niveaux de lecture apparaissent lorsque l’on s’attarde sur l’histoire même de la célèbre poupée. «Elle approche la cinquantaine et il semble qu’elle ait trouvé un petit jeune!», ironise Christian Taillard, docteur en psychosociologie.

«Par ailleurs, Blaine porte en lui les ferments du nouveau père métrosexuel (cet homme moderne qui accepte sa part de féminité, ndlr): Il est donc en parfaite adéquation avec son temps.»

La démarche inquiète davantage le psychothérapeute Thierry Gaillard, car elle ne donne pas le bon exemple: «Le fabricant préconise en quelque sorte le divorce avec sa démarche. Cela va dans le sens de notre société qui, comme Barbie, préfère la réponse superficielle du divorce aux difficultés conjugales. Le changement de partenaire donne l’espoir que les choses vont évoluer, alors qu’il vaudrait mieux aborder les problèmes en profondeur pour que la situation s’améliore dans un couple.»

«Mattel tente de ne pas subir elle-même le sort des délaissés. En quelque sorte, l’ancien compagnon de Barbie joue le rôle du bouc-émissaire», analyse encore Thierry Gaillard.

L’influence réelle sur l’imaginaire des enfants, et leur vision de l’amour, n’inquiète pas le célèbre psychologue Philippe Jaffé: «Pour les plus jeunes, le sens du changement de partenaire n’a pas la même profondeur que pour nous. Cela n’est donc pas déstructurant, car la plupart des enfants côtoient quotidiennement ce genre de situation. L’influence est minime car à cet âge-là les modèles restent les figures parentales. Et pas les fabricants de jouets.»

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Barbie, pin-up indémodable

Incarnation de la beauté stéréotypée et de la réussite sociale, Barbie fait rêver les fillettes depuis plus de quarante ans. Mais elle a aussi suscité de nombreuses controverses dans le monde adulte.

Au-delà de son aspect purement matériel et ludique, elle est devenue un véritable baromètre des modes et des problèmes sociaux du monde occidental.

Depuis sa création en 1959 par Ruth et Eliott Handler, d’après Lili, une poupée allemande inspirée d’une bande dessinée, Barbie a été montrée du doigt par les féministes pour son aspect physique surréel et le modèle de femme-potiche qu’elle propage. Mais elle s’est toujours relevée de ces critiques.

En 1992, il s’est vendu en France le chiffre record de 3,5 millions de poupées Barbie, dont le modèle avec cheveux très longs.

Si sa morphologie a très peu changé, la taille de ses atouts trahit son âge. Selon une documentation de Mattel, le visage de Barbie est redessiné tous les sept ans environ. Ses traits se sont ainsi adoucis, ses cils ont été redessinés, et en 1967, son visage est devenu souriant.

La poupée est également apparue bronzée dans les années 60 et elle a suivi la tendance «photo-modèle» durant la décennie suivante.

S’adaptant à la tendance «politiquement correcte» américaine, Mattel a également introduit des modèles «ethniques», dont Francie en 1967, la poupée noire. La Barbie en chaise roulante sera également mise sur le marché en 1986.

Tour à tour médecin, astronaute, femme d’affaire, étudiante ou en mission humanitaire pour l’UNICEF, Barbie, désormais divorcée, a permis à plusieurs générations de filles de s’identifier à elle. Et ce n’est pas fini…

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Une version de cet article est publiée dans le magazine BabooTime d’octobre 2004.