«L’objectif de ce meeting est de déterminer de quoi nous allons parler durant les prochains meetings.» C’est cette curieuse entrée en matière qui a déclenché la semaine dernière une discussion de fond sur l’organisation du travail dans un institut romand de management qui, on le comprend, préfère ne pas être cité.
«Ce paradoxe illustrait parfaitement la sensation générale que nous avions, constate une cadre du département en question. On se rendait compte que les meetings de notre groupe sont régulièrement organisés sans agenda particulier. Ces réunions de 40 personnes font perdre un temps fou. Et pour la plupart des informations qui s’y échangent, l’e-mail est bien plus efficace.» A la fin de cette séance, le département a décidé de supprimer les meetings réguliers, et de ne les organiser qu’en cas de nécessité, lors d’une discussion collégiale importante ou un brainstorming.
Tous les employés du tertiaire sont confrontés à la «réunionite», l’inflation naturelle des séances improductives. «Parler lors d’une réunion permet à un participant de se donner de l’importance, «d’exister» dans son groupe de travail, donc tout le monde essaie de ramener sa fraise lors de la moindre séance, raconte un cadre haut placé de l’UBS à Genève. En tant que meneur de jeu, je dois souvent faire preuve d’autorité, voire couper la parole pour recentrer la discussion. La baisse de productivité d’une équipe qui accumule les séances est visible.»
Chez Procter & Gamble, à Genève, où les meetings occupent une place centrale, on s’est penché sur ce problème. «Nous avons mis en place une formation pour améliorer l’efficacité des séances, explique Federica Pallestrini, responsable des ressources humaines d’une unité du siège européen. Nous encourageons chaque employé à la suivre.»
P&G baptise cette méthode PEPS (pour Purpose, End-Product, Standards). Pour avoir du PEPS, un meeting doit d’abord passer le «so-what test», c’est-à-dire répondre à un besoin clair. Par ailleurs, chaque participant doit rester concentré sur le but de la réunion et, surtout, se préparer, s’informer, avant d’entrer dans la salle. «A l’échelle de l’entreprise, nous observons une corrélation immédiate: les groupes de travail qui appliquent cette méthode sont les plus productifs, poursuit Federica Pallestrini. D’ailleurs, lorsque l’efficacité d’un groupe baisse, l’équipe commence par analyser sa façon de mener les meetings.»
Pour stimuler la créativité et l’émergence de nouvelles idées, le groupe américain va plus loin: «Pour les brainstormings créatifs, nous allons jusqu’à engager un animateur extérieur qui stimule les participants même les plus timides. Nous organisons aussi des jeux ou des séances en dehors des murs, pour titiller les esprits. Nous savons que ce n’est pas du temps perdu.»