GLOCAL

Les manifs du lundi et l’espoir du changement

Chaque lundi, les villes allemandes deviennent le théâtre de protestations massives contre les mesures du gouvernement Schröder. Analyse de ce mouvement né dans l’ex-RDA, qui s’étend vers l’Ouest.

Cela s’appelle la «Montagsdemo», la manif du lundi, et cela commence à faire trembler l’ensemble de l’establishment politique d’outre-Rhin. Le principe? La manif a lieu tous les lundis en fin d’après-midi ou début de soirée, cela dépend des villes.

L’objectif? Contraindre le chancelier Schröder et sa majorité rouge-verte soutenue par les syndicats de revenir sur une partie des mesures envisagées pour résorber le chômage et relancer l’économie du pays.

Appelé Agenda 2010, le plan gouvernemental frappe fort. Certains droits aux assurances chômage sont remis en cause. Les indemnités sont touchées. La durée du temps de travail aussi. Les assurances et prestations médicales de même.

Comme toujours dans ces grands trains de réforme, les moins nantis, les plus humbles, sont durement touchés, tout simplement parce que pour eux, un billet de 10 euros n’a pas la même valeur que pour ceux qui ont des salaires confortables.

Une fois de plus, le mouvement a démarré dans l’ancienne Allemagne de l’Est dont l’intégration à marche forcée dans l’économie de marché n’a pas fonctionné. Lundi dernier, les Montagsdemo y ont pris un caractère massif.

D’une semaine à l’autre, le nombre des protestataires est ainsi passé de 10’000 à 25’000 à Leipzig. Ils étaient 15’000 à Magdebourg, 5’000 à Halle.

Mais ce qui inquiète le gouvernement, c’est que le mouvement mord sur l’autre Allemagne, à Berlin, à Hambourg et ailleurs encore.

Alors la contre-attaque vise bas: les manifs seraient téléguidées par une alliance contre nature des communistes du PDS, des altermondialistes et de divers groupuscules d’extrême droite. Schröder y voit pour sa part une manœuvre conjointe du PDS et de la base démocrate-chrétienne visant à le déstabiliser.

Cette tactique de l’amalgame dénigrant ne portera pas très loin. Par ailleurs, si les extrêmes vont certes grappiller quelques points électoraux, leurs limites apparaîtront vite faute d’alternatives concrètes. C’est en réalité un ras-le-bol spontané qui s’exprime, le lundi soir, dans les rues, un espoir utopique — messianique même — de changement.

Ce ras-le-bol spontané, on l’a déjà vu à l’œuvre sur les places italiennes il y a trois ans, lors des farandoles qui renvoyaient dos-à-dos la droite et la gauche. Débordées ensuite par les grandes manifestations pacifistes, ces farandoles ont fait long feu et disparu, le temps de trois pirouettes.

Restent les problèmes. En Allemagne comme en Italie et en France. Les alternances droite/gauche au pouvoir ayant mis en évidence leurs limites, il faudra bien qu’un jour ou l’autre jaillisse de ces mouvements sporadiques et spontanés quelque étincelle salvatrice.

Cette étincelle ne peut venir que de là où la société a mal: le travail et son rôle dans la société. Je reste convaincu que sans une remise en cause globale de l’idéologie du travail et de son corollaire, l’élaboration et la création d’un salaire unique garanti pour tous, il n’y aura pas de salut pour nos sociétés.

Tant que ce débat ne sera pas lancé, on continuera de poser des emplâtres sur des jambes de bois. Soit de payer des gens à ne rien faire parce qu’il n’y a rien à faire tout en leur ordonnant de se hâter de chercher un emploi inexistant.