L’heure de la retraite a sonné pour le vieil homme. Les Palestiniens doivent maintenant jouer la carte démocratique et se donner un président élu.
La prestation de Yasser Arafat lors des funérailles du roi du Maroc n’est pas passée inaperçue: difficilement soutenu par les présidents turc et tunisien, il se déplaçait avec de telles difficultés que Boris Eltsine auprès de lui aurait fait figure d’acrobate. Je le sais, il ne faut pas critiquer les malades, aussi n’est-ce pas au malade que j’en ai, mais au politicien.
Cela fait maintenant plus de 35 ans que Yasser Arafat mène la barque nationaliste palestinienne. C’est en 1963 qu’il a fondé El Fatah, l’année où le premier des Kennedy tomba sous les balles d’un assassin, peu avant que Tristan Tzara ne nous quitte. C’est aussi l’année où l’Arabie saoudite abolit l’esclavage et où l’URSS propulsa Valentina Terechkova dans l’espace. C’était il y a bien longtemps.
Arafat, lui, avait environ 35 ans – son âge exact n’est pas connu. En quelques mois, il parvint à unifier les nationalistes palestiniens en une seule organisation, l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine), née le 3 février 1964. Cinq ans plus tard, après le désastre de la Guerre des six jours, il en prit la présidence. Depuis, imperturbable et souriant, il préside. Sa baraka est devenue légendaire. D’attentats en accidents d’avion, on ne compte plus les morts auxquelles il a échappé.
Il ne fait pas bon vieillir en politique. Fidel Castro en sait quelque chose, lui que le monde entier voue aujourd’hui, et non sans de solides raisons, aux gémonies. Mais Castro peut au moins afficher à son actif une vraie révolution. Castro a fait quelque chose. Arafat rien, mais rien du tout. Zéro barré.
Depuis 35 ans, il court d’échecs en échecs. La bonne demi-douzaine de premiers ministres israéliens auxquels il a survécu lui ont toujours tenu la dragée haute, lui faisant signer des accords jamais respectés, l’humiliant, le menant en bateau à longueur de palabres inutiles. Arafat fait mine d’y croire, clame que les lendemains palestiniens seront enchanteurs, mais finit toujours par s’aplatir, malgré son uniforme, son pistolet, sa kalachnikov.
Je n’ai d’autre sympathie pour les Palestiniens que celle – et elle est grande – que je porte à tous les humains victimes d’une injustice. Or depuis le temps qu’Arafat est leur porte-parole, ils ont tout subi, de septembre noir aux massacres palestiniens en passant par la répression et l’humiliation quotidiennes dans les territoires occupés.
Mercredi 28 juillet, la première prise de contact entre Ehoud Barak et Yasser Arafat a été à l’image de toutes les premières prises de contact qui l’ont précédée, égale à celle que pourraient avoir deux chiens de faïence qui feraient semblant d’être animés. Alors je m’interroge: ne serait-il pas temps que l’interlocuteur palestinien change lui aussi? Ne vaudrait-il pas la peine que les Palestiniens, dans leur embryon d’Etat, jouent une carte démocratique et organisent des élections pour se donner enfin un président élu?
Il ne fait en tout cas aucun doute qu’une armée d’organisations gouvernementales, para-gouvernementales, non-gouvernementales seraient prêtes à leur donner un petit coup de main pour contrôler les urnes.
