La multinationale genevoise vient d’investir 20 millions de dollars dans un centre technologique à Singapour. Sa mission: développer des arômes ethniques.
Les senteurs asiatiques sont à la mode, que ce soit dans les shampoings ou les repas emballés sous vide: les consommateurs occidentaux apprécient les parfums d’Orient et réclament toujours davantage d’exotisme.
La tendance n’a pas échappé à Givaudan, numéro 1 mondial des arômes: la multinationale genevoise, qui compte plus de 6’000 employés, vient d’investir 20 millions de dollars dans un luxueux centre technologique à Singapour dans le but de développer des saveurs ethniques.
Elle utilise pour cela un procédé à mi-chemin entre le laboratoire high-tech et l’aventure d’Indiana Jones. «Nos techniciens effectuent des «taste treks» sur le terrain pour capturer les arômes, raconte Peter Wullschleger, porte-parole de l’entreprise. Par exemple, ils partent dans le Sechuan à la recherche de la molécule du «mongolian hotpot», une sorte de fondue chinoise très savoureuse. Ils demandent aux habitants quels sont les villages et les restaurants qui font les meilleurs plats, et ils s’y rendent avec des boules de verre munies d’une valve qui aspire les odeurs. Ils placent ces boules au-dessus des casseroles. Les molécules sont capturées dans un polymère, et peuvent être ensuite amenées au laboratoire.»
Il arrive que les aromaticiens de Givaudan découvrent ainsi des molécules totalement inconnues de l’industrie. «Si c’est le cas, nous les brevetons. Nous n’avons pas besoin de payer les cuisiniers: ils sont généralement très contents qu’on s’intéresse à leur travail et ça leur suffit.»
Quand le technicien a identifié sa molécule, il la place dans une librairie: elle pourra constituer la base d’une nouvelle saveur qui sera testée sur les publics occidentaux. Et si le résultat est concluant, les producteurs de mets pré-emballés pourront l’acheter pour l’intégrer dans des sachets de soupe exotique par exemple.
«Les saveurs ethniques marchent très fort en ce moment, y compris dans les pays asiatiques, relève Peter Wullschleger. Mais il faut faire attention: ce que le consommateur européen considère comme un goût asiatique n’est pas forcément perçu comme tel par le consommateur asiatique. Les définitions ne sont jamais semblables. Dans les pays occidentaux, le plus populaire en ce moment est le goût chinois, devant le goût thaï, qui connaît une forte croissance depuis quelques années.»
Inauguré le 10 février, le nouveau centre technologique de Givaudan à Singapour ne se limitera pas aux arômes: il développera aussi des parfums pour des produits fonctionnels comme des détergents. «Quant aux parfums de luxe, ils continueront à être développés à Paris et New York», précise Peter Wullschleger.
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Une version de cet article a été publiée dans L’Hebdo du 11 mars 2004.
