Vous ne supportez pas ces sapins, ces guirlandes et ces angelots commerciaux qui fleurissent dans les villes? Moi non plus. Mais selon une étude phénoménologique de l’Université de Lausanne, nous sommes très minoritaires.
J’ai vu trop de crèches, trop de boules, trop de bougies, trop de sapins, trop d’angelots, trop d’étoiles, trop de santons, trop de couronnes, trop de cabanons. Les kilomètres de guirlandes ondoyantes me donnent la nausée.
Je crois que je suis allergique aux marchés de Noël.

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Ces animations urbaines, apparues en Suisse romande il y a une bonne dizaine d’années, connaissent actuellement un véritable boom. Au point de susciter des études scientifiques.
Des étudiants en tourisme de l’Université de Lausanne se sont penchés sur la phénoménologie des marchés de Noël pour en dresser un état des lieux* et viennent de publier leur étude.
Déguisés en Pères Noël, ils ont débarqué l’an passé au marché de Montreux, questionnaires au poing, pour interroger les clients. Parmi les résultats récoltés, ils ont noté un public légèrement plus féminin (58%) que masculin, âgé en moyenne de 26 à 45 ans. Son taux de satisfaction s’est révélé très élevé: 92% des visiteurs ont souligné l’aspect chaleureux de la fête et 80% son côté féerique.
«Ne dites à personne en train de déambuler dans les travées du marché qu’elle est là pour acheter, acheter et acheter. Non! Les visiteurs se déplacent prioritairement au marché de Noël pour se plonger dans l’ambiance de Noël», relève l’étude.
N’empêche qu’en 2002, les 230’000 visiteurs ont dépensé près de dix millions sur le site du marché même. Soit une moyenne de 42 francs par personne. Le visiteur sort de son porte-monnaie 24 francs pour l’achat de produits artisanaux et 18 francs pour de la nourriture et des boissons.
Mais comment, une fois passé l’effet de surprise, fidéliser la clientèle d’année en année et éviter d’alimenter la forme d’allergie décrite plus haut? Pour Pascal Bettex, organisateur du marché de Montreux, l’expansion est terminée. «Dans cinq ans, plusieurs marchés vont fermer», a-t-il confié à PME Magazine de décembre 2003. Il y a trop de marchés par rapports au public romand. Pour se garantir un avenir, il s’agit, pour les organisateurs, de miser sur l’authenticité et éviter toute déviance vers une quelconque kermesse, estime-t-il.
Cette année, les autorités strasbourgeoises, soucieuses elles aussi d’éviter toute «déviance», ont refusé la distribution gratuite de préservatifs dans le cadre du marché, estimant qu’il s’agissait d’une «provocation».
Mais toutes les municipalités ne sont pas également sourcilleuses. On trouve à peu près de tout dans les marchés de Noël. A celui d’Einsiedeln, j’ai même pu apercevoir des petits chalets vendant exclusivement des lunettes de WC…
Il ne faudrait pas pour autant conclure à la dérive mercantile d’une antique tradition religieuse. A leur apparition au Moyen-Age dans l’Est de la France, les marchés de Noël constituaient une fête purement commerciale: ils permettaient aux marchands de célébrer leur patron, Saint-Nicolas, alors que débutaient les foires de l’hiver. A la Réforme, on leur a même reproché leur «paganisme». Ils se sont alors transformés, sous la pression de quelques pasteurs, en marchés de l’Enfant Jésus.
Depuis, ils ont eu tout loisir de perdre leur religiosité pour reprendre leur forme originelle.
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*L’étude distingue trois types de marchés: les marchés «ambitieux» qui tentent de résoudre les problèmes de «lits froids». Leur pari: remplir les hôtels (Strasbourg, Vienne). Les marchés «animateurs» qui ont pour mission d’animer la ville pendant une période souvent morose (Zürich, Fribourg-en-Brisgau). Les marché «commerçants» qui résultent d’une volonté claire des marchands locaux de profiter d’une période propice aux achats (Montreux, La Chaux-de-Fonds, Bulle, Yverdon, etc). Tous semblent plaire au public et constituent une mine d’or pour les commerçants et les localités qui les hébergent.
