Bonne nouvelle: «Yellow Submarine», chef d’œuvre psychédélique, ressort sur les écrans.
«Yellow Submarine» marque le sommet paradoxal de la carrière des Beatles. C’est à la fois le titre d’une chanson exécrable et celui d’un film fabuleux, généralement considéré comme l’un des meilleurs dessins animés de l’histoire.
«Yellow Submarine» fait actuellement l’objet d’une restauration: il ressortira à l’automne, accompagné d’une campagne de promotion massive et d’une version remastérisée de sa bande originale. Par ailleurs, et cela me paraît nettement moins excitant, les trois Beatles survivants pourraient donner en septembre leur premier concert ensemble depuis trente ans, sur le pont d’un sous-marin jaune remontant le Mersey jusqu’à Liverpool.

D’accord, il y a quelque chose de profondément déplaisant dans ce recyclage commercial de la nostalgie. D’accord, on préférerait que Paul, George et Ringo restent terrés dans leurs cottages et laissent le temps faire son œuvre. D’accord, les sexagénaires du rock ont quelque chose d’absolument pathétique. Mais voilà, les archives des Beatles contiennent de telles perles qu’on ne peut que se réjouir de voir apparaître ces nouveaux écrins.
Redécouvrir «Yellow Submarine» en version restaurée dolby-stéréo… Cette perspective stimulera tous ceux qui, comme moi, n’ont vu le film qu’à la télévision. Avec ses couleurs éclaboussées et ses dessins psychotropes, «Yellow Submarine» représente la quintessence de l’esthétique pop des années 60. On peut d’ailleurs s’étonner que ce classique du dessin animé n’ait pas resurgi plus tôt dans l’imagerie référentielle de cette fin de siècle.
Depuis quinze ans, toutes les images psychédéliques de la grande époque ont été récupérées par l’industrie du clip (de S Express à DeeeLite), par les créateurs de mode (de Gaultier à H&M), par la publicité ou le cinéma («Austin Powers»). Il ne manquait que «Yellow Submarine».
Au départ, en 1967, les Beatles n’étaient pas enthousiasmés à l’idée de participer à un nouveau long métrage. Ils n’avaient tourné que deux films, «A Hard Day’s Night» et «Help», comédies inventives et plutôt réussies réalisées par Richard Lester. Ils avaient abandonné la scène et ne s’intéressaient qu’aux expérimentations musicales en studio. S’ils ont finalement accepté de donner le feu vert au projet «Yellow Submarine», c’est pour clore contractuellement leurs derniers engagements cinématographiques.
Le film ne leur demandait pas beaucoup de travail. Il avait été convenu de constituer la bande-son avec d’anciennes chansons et seulement trois nouvelles compositions: «Only A Northern Song», «Hey Bulldog» et «All Together Now.» Quand ils ont vu les séquences animées , les quatre musiciens ont été enchantés et ont accepté d’apparaître en chair et en os dans la scène finale en interprétant «All You Need Is Love». Une fin où l’amour triomphe, comme il se doit. Ce n’est certainement pas un hasard si Erich Segal, l’auteur de «Love Story», a participé au scénario.

Contrairement aux mini-cartoons de la série télévisée, «Yellow Submarine» développe un intrigue solide et étonnamment poétique. L’histoire est celle d’un pays imaginaire, Pepperland, dont les musiciens ont été chassés par les vilains Blue Meanies qui sucent les couleurs. Dans l’espoir de réintroduire quelques mélodies au pays, le capitaine Fred prend les commandes du sous-marin jaune et file à Liverpool. Il embarque les quatre Beatles et fixe le cap sur Pepperland. Leur périple sera ponctué d’obstacles explosifs, de délires psychédéliques et évidemment de chansons.
«When I’m Sixty Four», «Lucy In The Sky With Diamonds», «Eleanor Rigby» et «Nowhere Man» donnent lieu à des séquences magnifiques. L’idée de créer un équivalent visuel aux textes de Lennon/McCartney était ambitieuse. Le réalisateur George Dunning et le dessinateur Heinz Edelmann ont relevé le défi et rempli la mission. Leur film restera dans l’histoire comme l’un des chefs d’oeuvre utimes des sixties. Dommage que la chanson «Yellow Submarine» soit aussi insupportable.
