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La mobilisation pour et contre le vélo

Cette semaine débute avec la journée «En ville sans ma voiture» et se poursuit avec la réunion à Paris du «Congrès international Velo-City». Le moment paraît opportun pour questionner la condition cycliste.

La cohabitation est toujours plus difficile entre les usagers de la voie publique que sont les automobilistes, les motards, les cyclistes et les piétons — sans oublier les amoureux du skate, de la trottinette ou du roller. Quand les carrossés tuent les membres des catégories plus vulnérables, nous sommes dans la banalité; dans la rubrique «faits divers» des quotidiens. La société semble s’être accommodée de ce type d’accidents de la circulation, comme s’ils étaient le prix à payer pour la mobilité.

Mais voici du nouveau. Depuis peu, ce sont les cyclistes que l’on stigmatise pour leur inconscience. On les accuse de menacer les piétons. Victimes des quatre roues sur la chaussée, de nombreux adeptes du vélo vont régulièrement se réfugier sur les trottoirs réservés aux piétons. Lesquels viennent de se trouver une avocate pour les défendre.

Il s’agit de Bea Jenni. Dans les colonnes de l’hebdomadaire «Biel/Bienne» (4 septembre 2003), elle appelle de ses vœux la mise sur pied d’un «détachement policier chargé de surveiller les cyclistes inconscients. Car si les deux-roues ont le droit de circuler n’importe comment, les piétons peuvent aussi revendiquer une once de liberté.»

Le conflit cyclistes-piétons est à l’ordre du jour à Paris aussi. Chose curieuse, c’est le philosophe et poète Michel Deguy qui s’en est saisi, et de quelle manière, en prenant fait et cause pour les cyclistes. «Le vélo est du côté de l’avenir. Il n’obstrue pas, ne tue pas, car seule la vitesse tue, et il avance à peine, écrit-il dans Libération. Respect pour le cycliste citoyen, exemplaire, urbaniste utopique. Tout espace urbain libre est bon pour lui, et en particulier celui des trottoirs.»

Son plaidoyer a suscité de très vives réactions dont celle de l’écrivain Dominique Noguez. Armé de sa plume la plus acérée, il rebondit: «Avec les vélos sur les trottoirs, il ne peut plus y avoir de Beaudelaire ni de Léon-Paul Fargue, plus de poète flâneur ni de piéton de Paris.»

Certes, Noguez aimerait que Deguy ait raison mais estime bien utopiques ses propos. Ainsi, la nouvelle espèce générée par le philosophe — les «piétons à deux roues» — mérite-t-elle de figurer dans la galerie des hippogriffes! Pour Noguez, seule une politique de la circulation digne de ce nom, où l’intérêt de chaque catégorie d’usagers est prise en compte, apportera une solution aux problèmes actuels.

En italien, trottoir se dit «marciapiede», une dénomination plus explicite qu’en français. Rendre les trottoirs à leurs usagers légitimes, c’est remettre les cyclistes sur la chaussée. Une chaussée dont il faut repenser l’aménagement. Un nouveau concept est précisément testé en ce moment à Kölliken et Birmenstorf dans le canton d’Argovie.

Baptisé «chaussée médiane», il a déjà été expérimenté avec succès en Hollande. Il consiste à supprimer la ligne médiane, ce qui permet de délimiter deux pistes cyclables de 1,25 m de large. Cela laisse 4,7 à 5 m pour la partie réservée aux engins motorisés, avec pour conséquence une sécurité accrue pour les deux roues.

Depuis deux ans déjà, le canton de Berne joue les pionniers avec six tronçons de «chaussée médiane». Les premières analyses sont encourageantes. Les voitures dépassent à un distance plus grande des cyclistes et circulent légèrement moins vite. S’il y a progrès, il ne s’agit cependant pas là de la solution miracle. Ce concept n’est malheureusement pas applicable partout. Il faut disposer d’une chaussée de 7 mètres de large et le trafic ne doit pas y être trop intense.

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P.S. Un thriller écolo est en passe de devenir un livre culte chez les cyclistes urbains. Il s’agit de «L’homme qui tuait des voitures» d’Eric Le Braz, paru en 1999 aux Editions Pétrelle et que vient de rééditer la collection J’ai Lu.

L’histoire: à Paris, un serial killer à bicyclette choisit ses victimes parmi les conducteurs de voitures. Il ne tarde pas à faire des adeptes dans les rangs des sympathisants écologistes, allergiques aux engins polluants. Devenu l’ennemi public numéro un, il va jusqu’à mettre en péril l’industrie automobile. Mais quels sont donc ses mobiles?