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Le sortilège de la formule magique

Les médias s’enflamment autour d’une fausse polémique. L’arrivée au collège gouvernemental d’un deuxième UDC à la place d’un démocrate-chrétien ne changerait rien à la magie de la formule.

Alors cette formule magique, crèvera, crèvera pas? En suivant ces derniers temps la campagne électorale dans les médias, nous pourrions avoir l’impression de nous trouver face à une échéance capitale, face un bouleversement propre à ébranler un mode de gouverner vieux de 44 ans. Partout, il n’est question que de changements au gouvernement, de nouveaux rapports de force suite à la victoire de l’UDC annoncée par les sondages.

Mais les sondages peuvent se tromper énormément comme on l’a constaté à diverses reprises, notamment lors d’élections. De plus, si l’on examine attentivement les diverses prises de position des grands partis sur la composition du futur Conseil fédéral, la plus grande prudence est de mise, malgré les déclarations de Christiane Brunner ou de Pascal Couchepin en faveur de l’octroi d’un second siège à une UDC devenue premier parti de Suisse. N’oublions pas que ces deux personnalités sont elles aussi en campagne électorale.

En réalité, ce que l’on sait, c’est que ni l’UDC, ni les autres partis gouvernementaux ne veulent un changement en décembre.

Christoph Blocher, en bon agitateur politique, continue sur les estrades à réclamer un deuxième siège pour son parti. C’est la moindre des choses vu son poids électoral et l’appétit de ses partisans. Mais en coulisse, il glisse à mi-voix que c’est trop tôt, qu’il lui faut encore conforter le renouvellement de son parti, son implantation en Suisse romande et au Tessin. Et que pour cela, la solution actuelle — un orteil au gouvernement et la force de frappe UDC dans l’opposition — lui convient à merveille. Dans quatre ans, on verra…

Chez les gouvernementaux aussi le discours est très clair. Il n’est pas question de virer un socialiste dont le parti ne cesse de s’affirmer. Encore moins de remplacer Villiger, le radical démissionnaire, par un UDC. Il ne serait pas très fair-play de ne pas réélire Joseph Deiss qui n’a pas démérité.

Ruth Metzler est encore plus protégée. Vice-présidente en titre, elle succédera à Pascal Couchepin l’an prochain à la tête de la Confédération.

Les dés de cette polémique fortement gonflée sur la fin de la formule magique sont d’autant plus pipés que, politiquement parlant, l’arrivée au collège gouvernemental d’un deuxième UDC à la place d’un démocrate-chrétien ne changerait rien à la magie de la formule. Car ce qui est magique dans notre gouvernement, ce qui en fait un sonderfall mondial, son unicité absolue, c’est le consensus collégial entre la gauche et la droite.

Ce que les politiciens de 1959 ont qualifié de formule magique, c’est l’intégration de la gauche au pouvoir dans le cadre d’un Conseil fédéral élu plus ou moins à la proportionnelle. Un simple déplacement de siège du PDC à l’UDC ne mettrait pas en cause ce consensus. Au contraire il le renforcerait en intégrant mieux la force de droite la plus puissante au sein de l’exécutif.

Pour que la formule magique vole en éclat, il faudrait que les socialistes se retirent du gouvernement et tentent de fonder un grand parti démocrate en attirant dans cette nouvelle formation les franges les plus centristes des radicaux et des démocrates-chrétiens sur la base d’un programme politique original et novateur.

Alors seulement, une fois la rupture consommée et les camps définis, il pourrait y avoir une lutte pour l’alternance au gouvernement. Il y a dix ans, la question européenne aurait pu servir de ciment à une telle refondation, mais personne n’en a jamais parlé. Aujourd’hui, il n’est plus question d’Europe. Chacun pense à sa carrière et défend son pré carré. Dans l’indifférence générale.