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Lybie et Irak: l’embargo plus efficace que l’intervention

Magnifique succès de la loi de l’offre et de la demande, par le truchement d’un libéralisme forcené, dans la résolution en cours de l’affaire libyenne. Au détriment un fois de plus de la morale politique la plus élémentaire.

L’offre? Le pétrole dont la Libye regorge. La modernisation de ses infrastructures, impossible sans l’apport des technologies occidentales.

La demande? Les pétroliers étasuniens dont on connaît le poids dans l’administration Bush, les grands consortiums internationaux appâtés par de mirobolants marchés.

L’immoralisme? Le marchandage à coups de milliards de dollars des 440 morts victimes des attentats contre Pan Am et UTA en 1988 et 1989. La remise en circuit d’un politicien, Mouammar Kadhafi, qui, en 34 ans de dictature, a dit tout et son contraire en terrorisant sans vergogne la population. Le déni des grands discours moralisateurs traitant ce même Khadafi de fou, de terroriste, de danger public.

Rien de neuf sous le soleil, direz-vous. Ce n’est hélas que trop vrai.

Ce que je vois de plus intéressant dans cette affaire est la question de l’embargo. Certes, la Libye ne fut jamais complètement isolée. Elle a su maintenir des liens avec ses proches voisins et d’autres, plus discrets, avec l’Italie, ancienne puissance coloniale qui a toujours su, sous tous ses gouvernements, pratiquer une politique méditerranéenne aussi efficace, sinon plus, que la fameuse politique arabe de la France.

N’empêche, les débouchés anglo-saxons (et asiatiques) sont de première importance pour un pays dont la principale ressource gît dans son sous-sol. Nous en avons une fois de plus la preuve. Et l’embargo américain décrété par Reagan en 1986 et élargi en 1992 par l’ONU a contraint le frénétique colonel à faire amende honorable, à pratiquer la vertu chrétienne (un comble de la part de cet homme!) de la résipiscence.

C’est donc que l’embargo comme mesure de rétorsion internationale a son utilité. On l’avait déjà constaté avec l’étranglement des racistes sud-africains dès que le monde anglo-saxons avait commencé à prendre au sérieux un embargo onusien qu’ils avaient snobé pendant des années. On le constate en voyant le piètre état de l’économie cubaine, malgré les nombreuses accointances du régime castriste avec des partenaires latino-américains.

Alors que nous assistons impuissants au drame irakien, à l’incurie des mesures prises par les occupants, à la destruction massive et quotidienne d’un Etat qui s’était naguère donné quelques moyens pour sortir du sous-développement, il vaut la peine de méditer sur l’efficacité des embargos.

Si les Etats-Unis avaient simplement voulu se débarrasser de Saddam comme ils nous en rebattent les oreilles depuis qu’ils sont enlisés dans les sables brûlant du désert mésopotamien, ils auraient pu recourir à cette arme mortelle pour les régimes, moins meurtrière pour les peuples. Mais, dans leur gloutonnerie, ils ont préféré jouer sur un peu d’embargo (le programme pétrole contre nourriture) et beaucoup de petites combines (les dollars finissaient par tomber dans la poche de Saddam).

Aujourd’hui le mal est fait. Les investisseurs vont pouvoir se précipiter en Libye, car, comme le déclarait au Guardian le directeur général de la très londonienne Middle East Association, «l’enthousiasme des investisseurs pour la Libye est d’autant plus grand que le marché irakien n’est pas aussi accessible que nous l’espérions».