CULTURE

«Tron 2.0», retour vers le futur

Il y a vingt ans, ce film prophétique avait été le premier à distinguer monde réel et monde virtuel. Son histoire se poursuivra dès le 26 août en version interactive.

C’était une pure production des studios Walt Disney. Un divertissement sans prétention dont personne, à l’époque, n’imaginait qu’il puisse marquer l’histoire des technologies.

Et voilà qu’avec le recul, on s’aperçoit que «Tron» a inauguré la plupart des métaphores de l’espace virtuel. A sa sortie en 1982, les jeux vidéo se branchaient encore sur les téléviseurs et le web attendait sagement d’être inventé (dans un laboratoire genevois). L’idée même qu’on puisse surfer dans un environnement électronique paraissait difficilement concevable.

Avec son film «Tron», le réalisateur Steven Lisberger a élargi l’horizon. Il a imaginé comment un hacker en viendrait à plonger dans un ordinateur pour affronter des ennemis logiciels. Il a montré des êtres humains numérisés et, pour la première fois au cinéma, il a mis en scène la séparation entre monde physique et monde virtuel.

Lors de son exploitation en salles, «Tron» n’a rencontré qu’un succès d’estime, ce qui ne l’a pas empêché d’acquérir rapidement le statut de film culte — sa sortie en jeu d’arcade, en vidéo puis en DVD ayant contribué à sa popularité. En 1984, l’auteur William Gibson s’en est largement inspiré pour inventer le concept de cyberespace.

De la même manière, les frères Wachowsky ne se sont pas gênés d’aller puiser dans les idées de «Tron» pour imaginer leur «Matrix»: le monde numérique, la guerre entre humains et machines, et même la course de moto virtuelle figuraient déjà dans le film de Steven Lisberger.

Pas étonnant que les producteurs de Disney aient commencé dès le début des années 90 à réfléchir à «Tron 2.0» (et tant pis si la dernière scène du film ne laissait guère présager d’une suite). Très vite l’idée est venue d’en faire un jeu vidéo plutôt qu’un long métrage: l’histoire originale se prêtait parfaitement à une version interactive puisque, dans une sorte de mise en abîme, elle racontait déjà les aventures d’un créateur de jeu vidéo pénétrant dans une de ses propres créations.

Le développement de «Tron 2.0» sur PC a été confié à la firme Monolith, qui a imaginé un rebondissement du récit vingt ans après la première plongée de Flynn (Jeff Bridges) dans les circuits imprimés. Le produit final, qui sera commercialisé le 26 août, constitue l’un des événements de l’année pour l’industrie du jeu vidéo (laquelle a déjà largement dépassé l’industrie cinématographique en termes de revenus).

Ironiquement, c’est l’environnement virtuel qui a été le plus difficile à reconstituer. En 1982, «Tron» avait été présenté comme le premier film réalisé en images de synthèse 3D, alors que seules treize minutes du métrage provenaient effectivement d’un ordinateur. Tout le reste avait été créé artisanalement, à l’aide de «matte-painting», d’effets spéciaux traditionnels et de retouches à la main, selon l’esthétique très en vogue à la fin des années 70.

C’est d’ailleurs cette approche «low-tech» qui a donné au film son aspect rétro, qui paraissait déjà un peu kitsch à l’époque. Pour le reproduire à l’identique dans le jeu, les techniciens de Monolith ont recouru à une technologie développée par Nvidia, capable de synthétiser une luminosité de néon.

Un faux univers numérique, reconstitué par une vraie technologie numérique: la boucle est bouclée, la vision de Steven Lisberger a trouvé son aboutissement logique.