L’actualité récente démontre que les Etats-Unis assument désormais leur impérialisme. Les idéologues du clan Bush n’ont d’ailleurs aucune peine à l’admettre. Analyse.
doctrine que les idéologues de cette nouvelle droite, les Robert Kagan et Bill Kristol pour n’en citer que deux, nomment l’«impérialisme bienveillant». Bienveillant parce qu’il se veut charitable: construits par des pionniers chassés de la vieille Europe, les Etats-Unis se doivent de réaliser la mission civilisatrice dont ils sont porteurs, faire partager aux peuples du monde leur modèle républicain et démocratique. Par la force si c’est nécessaire.
Dans une tribune libre publiée par Le Monde (9 avril 2003) intitulée «L’Amérique va gagner la quatrième guerre mondiale», James Woolsey, ancien directeur de la CIA sous Clinton, donne le ton: «Nous sommes entrés dans la quatrième guerre mondiale (la guerre froide étant la troisième, ndlr). Plus qu’une guerre contre le terrorisme, l’objectif est d’étendre la démocratie aux parties de monde arabe et musulman qui menacent la civilisation libérale à la construction et à la défense de laquelle nous avons œuvré tout au long du XXe siècle.»
Après s’être félicité des immenses progrès de la démocratie dans un monde où il ne dénombre pas moins de 120 Etats démocratiques sur 192, Woolsey observe qu’aucun des 22 Etats arabes ne l’est, et poursuit: «Il est clair que jamais la guerre terroriste ne disparaîtra tant que nous ne changerons pas la face du Proche-Orient, ce que nous avons précisément commencé de faire en Irak. Il s’agit d’une mission redoutable. Pas plus redoutable cependant que celles que nous avons déjà accomplies au cours des précédentes guerres mondiales.»
Tenus début avril, alors que la partie irakienne n’était pas jouée, ces propos pouvaient sembler nimbés de la délirante volonté de puissance d’un homme contesté dans ses œuvres: la CIA n’est pas précisément l’institution étasunienne que ses résultats au cours de ces dernières années pourraient faire porter au pinacle.
Mais, depuis, l’occupation de l’Irak, les pressions fort agressives exercées sur la Syrie et l’Iran, l’implication directe dans le dossier israélo-palestinien prouvent que les Etats-Unis, dans leur grande bienveillance, assument leur impérialisme.
Même si, momentanément, ils rencontrent certaines difficultés militaires dues à une mauvaise appréciation du rapport de force. Ils sont même prêts, si nécessaire, à renouer avec la tradition coloniale dans le cas où l’administration directe de pays en voie d’éducation démocratique devait s’imposer.
Voilà qui, en ce XXIe siècle naissant, nous propulse violemment un bon siècle en arrière! Nous pensions naïvement entrer, en l’améliorant, dans un monde globalisé où chacun serait maître de son destin en application d’un principe — par ailleurs édicté par un président étasunien, T. W. Wilson — selon lequel chaque peuple dispose du droit à l’autodétermination. Et, plouf! nous retombons en plein colonialisme: «Nuits de Chine, nuits câlines…»
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Lire ici la seconde partie de notre analyse sur l’impérialisme américain.
