L’empire américain sécrète les conditions de sa propre destruction: on l’a vu cette semaine à New York, on le voit en ce moment en Irak. Commentaire.
Le règlement de compte à OK Corral / Council Hall qui a semé la panique à Manhattan mercredi après-midi illustre on ne peut mieux une des limites de l’empire américain et sa capacité de commandement mondial. Les difficultés rencontrées par l’administration Bush dans sa gestion de l’Irak d’après Saddam soulignent une autre de ces limites.
Ce qui s’est passé à New York doit certainement faire frémir tout ce que les Etats-Unis comptent d’individus conscients. Ainsi, moins de deux ans après les attentats du 11 septembre 2001 qui mirent à mal les symboles militaires et économiques de l’Empire, moins de deux ans après l’introduction de nouvelles lois limitant les libertés individuelles et donnant des pouvoirs extraordinaires aux diverses polices (Patriotic Act), moins de deux ans après la création d’un nouveau ministère de la sécurité aux pouvoirs jugés abusifs par les défenseurs des droits civiques (Departement of Homeland Security), il est possible que, dans l’un des endroits les mieux protégés du pays, l’Hôtel de Ville de New York, un individu louche et peu recommandable puisse pénétrer armé et flinguer son adversaire comme dans un western du bon vieux temps.
Le maire Bloomberg a évidemment et immédiatement annoncé l’introduction de nouvelles mesures de sécurité, mais qui ne perçoit derrière ces effets d’annonce l’embarras de politiciens dépassés par la violence qu’ils génèrent eux-mêmes?
Cette petite tragédie me semble aussi forte symboliquement que l’irruption dans les années 1980 d’un avion de tourisme allemand sur la place Rouge à Moscou, alors que les frontières soviétiques étaient réputées infranchissables. Elle signifie que les bureaucraties contemporaines, dans leur ambition totalitaire, sécrètent les conditions de leur propre destruction, les failles dans lesquelles l’ingéniosité humaine, morbide ou non, peut se faufiler et détraquer la machine.
Arrivée au pouvoir dans des conditions très discutables, la droite autoritaire étasunienne, qui développe une vision totalitaire du fonctionnement de la planète, porte ainsi en elle les germes autodestructeurs qui finiront par permettre une renaissance démocratique.
Elle en fait l’expérience ces jours-ci en Irak où, prenant la mesure de la gabegie développée par son impérialisme prédateur, elle se rend compte de son incapacité à assumer seule, en application de son idéologie ultra-libérale, la remise en route d’un pays dévasté.
La pathétique tournée irakienne de Paul Wolfowitz, grand prêtre de cette ultra droite, en témoigne. D’où le retour prochain de l’ONU, garantie démocratique internationale, sur la scène proche-orientale.
Cela ne signifie pas pour autant que les durs de l’équipe Bush — les Cheney, Rumsfeld et autres Ashcroft — vont renoncer sans combattre à leurs chimères totalitaires. Au contraire. Les Etats-Unis sont entrés en campagne pour la prochaine présidentielle et l’on peut craindre une fuite en avant dont, pour rester sur le plan international, des pays comme la Syrie et l’Iran (durement admonestés par Bush il y a quelques jours encore), voire la Corée du Nord, pourraient faire les frais.
