D’ici l’automne, des services classés X distribueront images et animations sur les nouveaux appareils MMS. Les opérateurs lorgnent vers ces nouveaux revenus et signent actuellement des partenariats avec des géants du secteur.
« Le sexe? Les opérateurs télécom sont comme beaucoup de monde: ils n’aiment pas trop en parler en public, mais tous y pensent. » Pour Bruno Giussani, spécialiste du marché de la téléphonie mobile, il n’y a aucun doute: « Les services X seront une locomotive pour la messagerie MMS et les réseaux sans fil du futur, exactement comme ce fut le cas pour la cassette VHS, le Polaroid, le Minitel, la caméra vidéo, le CD-ROM ou l’Internet. Le VHS amenait la pornographie à la maison, l’Internet supprimait l’étape gênante du vidéo-club. L’écran mobile proposera une gratification immédiate, partout. »
Ainsi, la messagerie multimédia MMS, qui permet aux nouveaux téléphones mobiles de télécharger des images et des animations vidéos, offre de nouvelles possibilités à l’industrie du X. La petite taille des écrans ne semblent pas représenter un frein à ce développement, comme l’a démontré le succès des logos érotiques ou des messageries roses par SMS.
Le MMS ajoute l’image dans un créneau qui n’attendait plus que ça. Grâce à cette technologie, l’usager peut télécharger des photos ou des animations, à la demande ou automatiquement (le service de la « pin-up du jour »), ou encore dialoguer en direct avec une hôtesse dont le portrait s’affiche sur l’écran. La consultation de ce type de prestations sera facturée chaque mois par l’opérateur, selon le même principe que les services SMS surfacturés ou les numéros 0900.
Pour l’instant, le MMS n’en est qu’à ses débuts: « Nous comptons environ 100’000 usagers réguliers sur 3,6 millions de clients, ce qui est assez faible », dit Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. Mais la croissance est forte car tous les nouveaux appareils en sont équipés et le parc se renouvelle en 18 mois.
Le sexe s’annonce comme un excellent stimulant pour doper le marché. « Le sujet est dans l’air, reconnaît Mathieu Janin, porte-parole de Sunrise. Nos clients pourront avoir accès très prochainement à des services X, mais qui ne seront pas proposés sous notre marque. Ce sera une opération conjointe avec un acteur important du secteur. » C’est avec le géant allemand Beate Uhse que l’opérateur suisse signerait actuellement un partenariat, comme l’avait fait Bluewin, filiale de Swisscom, pour son site Internet.
Les opérateurs télécoms n’ont bien sûr aucune envie de se charger de la fabrication ou de la manipulation de près ou de loin de contenu pornographique, d’autant qu’il leur manque le savoir-faire. Mais légalement, comme ils se chargeront de la transmission et de la facturation, ils endosseront une partie de la responsabilité, par exemple dans les cas de transmissions d’images pédophiles. C’est la raison pour laquelle ils préfèrent travailler avec des sociétés réputées de la branche comme l’incontournable Playboy, l’allemand Beate Uhse ou le géant espagnol Private Media Group. « Nous négocions avec tous ces grands groupes, détaille David Marcus, patron de l’entreprise genevoise Echovox qui livre des applications pour téléphone mobile à tous les grands opérateurs européens. Nous commencerons vraisemblablement avec le marché anglais, mais nous proposerons des services aux opérateurs suisses dès cet automne. »
En travaillant ainsi, l’opérateur laisse le prestataire se charger de la publicité et évite de dévaloriser sa marque. Par contre, il encaisse une commission importante à chaque achat d’image ou d’animation. La transmission d’une image sera facturée jusqu’à 3 francs pièce et les revenus s’annoncent prometteurs. Selon l’institut britannique Visiongain, au niveau mondial, le porno sur les appareils mobiles représentera 3,7 milliards de dollars en 2006, sur un volume total du marché adulte de 70 milliards.
« On estime que 20’000 en 25’000 Romands sont de gros consommateurs de pornographie, analyse David Marcus d’Echovox.. C’est peu de monde, mais ils peuvent dépenser des fortunes, aussi avec leur téléphone mobile: on le voit notamment avec les messageries roses par SMS. » A cela s’ajoutent les consommateurs occasionnels, qui sont beaucoup plus nombreux. A titre de comparaison, à l’échelle mondiale, 75% des internautes ont consulté au moins une fois volontairement un site porno, dit l’étude de Visiongain. « C’est un marché très prometteur pour nous, et nous avons créé tout un département pour développer des services sur les appareils mobiles, aussi bien les téléphones actuels que ceux de la prochaine génération ou les assistants électroniques portables », explique Richard Sharp, porte-parole du géant du porno Private Media Group.
Le MMS prépare le terrain pour la prochaine révolution, les réseaux de la 3è génération, baptisés aussi UMTS, qui offriront normalement dès 2004 des débits beaucoup plus importants. Mais les opérateurs devront une fois de plus trouver un moyen pour inciter les usagers à changer d’appareil. Comment? « Personne n’achètera plus jamais un téléphone mobile pour téléphoner, répondait récemment le technologue Petri Mähönen au magazine Time. Les deux arguments seront le sexe et les jeux. »
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée dans le magazine L’Hebdo du 3 juillet 2003
