Hier, mardi 8 juillet, alors qu’il recevait Pascal Couchepin, Silvio Berlusconi a été battu à quatre reprises dans son propre parlement alors qu’il est censé, selon le poids des partis qui le soutiennent, avoir une majorité confortable de près d’une centaine de voix.
Les votes de la Chambre, trop techniques pour qu’il vaille la peine de les expliquer ici, portaient sur des questions financières. C’est la Lega ultranationaliste d’Umberto Bossi qui, en joignant ses voix à la gauche, a fait trébucher le gouvernement.
La semaine dernière déjà, le gouvernement Berlusconi avait connu un échec cinglant au parlement au moment même où son chef insultait à Strasbourg l’eurodéputé socialiste allemand Martin Schulz. Ce jour-là, ce sont quelques députés de l’Alliance nationale de Gianfranco Fini qui firent pencher la balance en votant un texte présenté par Refondation communiste, le parti d’extrême gauche. Il s’agissait de bloquer la vente d’innombrables casernes rendues inutiles par la modernisation de l’armée.
Ces accidents de parcours semblent illustrer le proverbe «Qui trop embrasse, mal étreint»: à force de tout vouloir contrôler, de mener de pair la direction de ses propres affaires d’homme le plus riche d’Italie, la présidence du gouvernement italien et celle de l’Union européenne, Silvio Berlusconi ne pourrait éviter ici ou là de laisser quelques scories sur son passage.
Apparence seulement! Le mal est plus profond.
La perte de vitesse subie aux élections régionales partielles du mois dernier en témoigne. En réalité, c’est la majorité même de Berlusconi qui, dans ses axes principaux, est bancale. Après deux ans d’exercice solitaire du pouvoir, elle montre ses limites.
Entrepreneur aux multiples succès, Berlusconi a su séduire en 2001 une bourgeoisie et une petite bourgeoisie désireuses de voter pour un homme qui leur paraissait capable de réformer en profondeur une Italie corsetée par un secteur public démesuré issu des années fascistes d’avant-guerre et développé après 1945.
Mais Berlusconi et son parti Forza Italia, faute de victoire absolue, ont dû composer avec des alliés aux intérêts politiques très différents.
La Lega de Bossi veut des réformes décentralisatrices pour donner plus de pouvoir aux institutions locales. De surcroît, son assise populiste la contraint électoralement à défendre des secteurs défavorisés de la population: la Lega est ainsi farouchement opposée à toute remise en cause du système des retraites.
L’autre flanc de la majorité issu du post-fascisme, l’Alliance Nationale, est lui un solide défenseur de l’étatisme et de la centralisation. Aussi jacobin en somme que peut l’être un Chevènement en France.
Ces discrépances internes à la Maison des Libertés font que cette dernière devient, comme le déclarait hier une personnalité de la Lega, la Trappe des Libertés. Son chef, Berlusconi, malgré ses gesticulations, est phagocyté en son sein comme une momie égyptienne.
On assiste ainsi à un phénomène étonnant: le chef de gouvernement qui détient plus de pouvoir (politique, économique, médiatique) que tout autre président du Conseil italien depuis un demi-siècle, est incapable d’afficher à son tableau la moindre réforme d’envergure. Qu’il touche à l’Etat, c’est Fini qui s’insurge. Qu’il touche au peuple, c’est Bossi qui hurle.
Les escarmouches parlementaires de ces derniers jours ne signifient probablement pas un éclatement proche de la majorité berlusconienne, encore que l’automne sera chaud. La présidence italienne de l’UE devrait en effet freiner les appétits finiens et bossiens.
En somme, le seul succès de Berlusconi est pour le moment d’avoir évité la prison. C’était son but premier quand il s’est lancé dans la politique. Mais cela ne suffit pas à relancer un pays qui, malgré son dynamisme, étouffe dans le carcan du passé.