Lancée au lendemain de la première guerre mondiale, plombée dès sa naissance par le refus des Etats-Unis d’y participer, la Société des Nations ne résista pas, dans les années 1930, à une modification du rapport des forces entre les puissances, notamment en raison de la montée rapide et agressive du nazisme.
La situation actuelle ne ressemble en rien à celle de l’entre-deux-guerres dans la mesure où la scène est dominée par une seule puissance. Mais l’ONU n’en est pas moins poussée dans les cordes, comme la SDN en son temps. Parce que Washington n’a plus besoin, comme au temps de la guerre froide, d’un organisme politique de médiation. Son pragmatisme (doublé d’une bonne dose d’opportunisme) suffit à dicter la loi.
On l’a constaté au Kosovo en 1999, on vient de le voir en Irak. La guerre est finie et l’ONU ne parvient pas à retrouver sa place sur la scène internationale.
Son concurrent direct est d’ailleurs à nos portes. C’est le G8 — voué à devenir sous peu G9 grâce à la cooptation de la Chine qui sera présente à Evian — qui se profile comme le directoire mondial de demain.
La fortune de cette rencontre informelle au départ («une discussion entre partenaires au coin du feu», disait son initiateur, Giscard d’Estaing, il y a plus d’un quart de siècle) est assez étonnante. Elle implique aujourd’hui le travail d’une armée d’experts, de conseillers, de diplomates de tous horizons qui peaufinent les dossiers soumis au chefs de gouvernements.
Aujourd’hui 22 mai et demain, ce sont les ministres des Affaires étrangères qui se réunissent à Paris pour régler les derniers détails d’une parade qui verra le grand George W. Bush trôner au milieu de ses barons, les uns serviles et souriants, les autres boudeurs et hautains, d’autres encore indifférents mais contents de poser devant les caméras du monde entier avant de regagner leurs fiefs.
Le système est efficace, en prise sur les événements et, surtout, les allégeances sont sans faille, directes, sans médiations inutiles. La féodalité est de retour. Et la démocratie n’est qu’un mot destiné à amuser le bon peuple.
Le paradoxe dans l’affaire est qu’en fin de compte, l’ONU va retrouver la fonction pour laquelle elle avait été créée: celle de représenter un vaste forum où les Etats peuvent dialoguer, échanger des informations, prendre des mesures ponctuelles sur tel ou tel sujet. C’est dire que ses multiples bras sociaux, scientifiques, culturels gérés par une multitude d’agences ne sont pas remis en question.
Le syndrome de la réunionnite ne va pas non plus disparaître pour autant. Rien qu’en cette fin de semaine, outre la rencontre déjà signalée, il y a cinquante-cinq ministres qui discutent à Paris de la lutte contre la drogue; 17 présidents d’Europe centrale se rencontrent à Salzbourg; en Macédoine, une conférence de l’OTAN essaie de lutter contre les mafias balkaniques; à Cuzco, au Pérou, 19 présidents latino-américains vont confronter leurs expériences et, enfin, à Salonique, en Grèce, les ministres européens de la Culture préparent notre avenir.
Le spectacle de ces nombreuses rencontres, avec ce qu’elles comportent comme joutes oratoires livrées par des gens qui aiment parler est des plus réjouissant.
D’ailleurs, le maître du monde s’en réjouit certainement dans son ranch texan, en pensant in petto: «Cause toujours… »