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Les manifestations anti-G8 s’organisent sur Indymedia.org

Né à Seattle, le réseau indépendant Indymedia est devenu le système nerveux des altermondialistes. Cette galaxie de plus de 110 sites regroupe les militants antiguerre et anti globalisation. En Suisse aussi.

Ce média n’a pas de bureau, pas d’adresse, pas de numéro de téléphone, ni de fax. Ni même d’e-mail direct. Il s’étend sur les six continents, occupe plusieurs centaines de personnes, milite pour plus d’égalité citoyenne, mais semble mieux protégé que l’empereur du Japon. Si vous voulez entrer en contact avec Indymedia, vous devez envoyer un message électronique à une liste de distribution et attendre que l’un des membres veuille bien vous répondre.

«C’est vrai que l’opacité est un peu la politique d’Indymedia, explique Yann Forget, informaticien de 37 ans et membre actif du réseau. Certains participants souhaiteraient davantage de transparence, mais si nous défendons l’anonymat, c’est surtout pour compliquer les poursuites policières.»

Poursuites policières? L’activité d’éditeur de textes anonymes comporte effectivement des risques. Et c’est pour prévenir les dérapages que «des modérateurs relisent tous les documents envoyés et ne les publient que s’ils respectent la charte éditoriale», dit Yann Forget. Sur le site suisse Indymedia.ch, la charte indique que tous les textes «contenant des propos injurieux, diffamatoires, sexistes, racistes, antisémites, révisionnistes ou homophobes seront retirés». Mais, surprise, la même charte précise que «dans le doute, un article sera toujours publié».

Car Indymedia craint que les précautions ne se muent en autocensure: «Nous pensons que personne ne sait mieux raconter les histoires d’exploitation, d’oppression et d’exclusion que ceux qui en sont les victimes.»

«Ni Dieu ni webmaster»

C’est par cette ouverture éditoriale qu’Indymedia est devenu une sorte de système nerveux du mouvement altermondialiste. Son slogan: «Ne faites pas confiance aux médias, faites les médias.» Le premier site du mouvement est né en novembre 1999 à Seattle, quand plusieurs journalistes professionnels ont improvisé un Independant Media Center (IMC, devenu Indymedia), pour raconter l’agitation urbaine suscitée par le sommet de l’Organisation mondiale du commerce.

Dans son sillage sont rapidement apparus plus d’une centaine d’Indymedia locaux, installés de la Bolivie à la Pologne et de Chypre jusqu’à Jakarta. Avec, à chaque fois, la même structure de navigation et le même logo: un «i» qui rayonne en porte-voix. «Tous les sites sont réalisés avec un logiciel libre, Spip, dont une version spéciale a été créée pour Indymedia», explique Yann Forget. Il n’y a pas de webmaster («Ni Dieu ni webmaster» est l’un des slogans). Les membres du réseau travaillent bénévolement et communiquent par messagerie instantanée (IRC).

Ne craignent-ils pas que ces communications soient infiltrées par les forces de l’ordre? «C’est possible, mais pas grave: nous n’avons rien à cacher», répond Yoann Boget, 20 ans, qui s’occupe du site Forumsociallemanique.org.

Le réseau Indymedia figure aujourd’hui parmi les points de ralliement préférés des militants altermondialistes. C’est là, sur cet immense dazibao électronique, que s’envoient les mots d’ordre et les slogans (exemple: «Evian-Vichy, sources de problèmes»), que s’organisent les manifs, c’est là aussi que des activistes tentent de dénoncer ou de justifier la violence pratiquée par les Black Blocs.

Pendant le sommet du G8, la délégation locale d’Indymedia ouvrira un «centre médias» du côté de l’aérodrome d’Annemasse, qui devrait lui permettre de diffuser des informations en temps réel sur la mobilisation. Mais, au-delà de sa liberté de propos plutôt stimulante, les limites d’Indymedia tiennent clairement à son absence de vérification journalistique.

«Nos produisons des informations de manière passionnée, mais exacte», assure la charte éditoriale. Rien, pourtant, dans l’organisation des sites, ne permet aux modérateurs de vérifier les informations avant de les publier. «Mais les journaux traditionnels publient aussi des choses fausses, ou alors ils mentent par omission, parce qu’ils défendent des intérêts politiques ou commerciaux», se défend Yann Forget.

La formule du premier site créé a Seattle ne disait pas autre chose: «Vous devez lire les informations sur Indymedia avec un œil critique et le même discernement que pour n’importe quel autre média.»