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L’étiquette électronique qui renseigne l’armée américaine

Le major Forrest Burke assure volontiers la publicité de son système d’identification électronique. «J’étais dans un tank lors de la première guerre du Golfe, raconte-t-il. Quand on avait besoin de matériel, on devait plonger dans les containers jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose d’utilisable. Aujourd’hui, nous pratiquons une logistique intelligente: les soldats n’ont qu’à demander ce dont ils ont besoin, et nous pouvons surveiller les flux.»

Forrest Burke se trouve au coeur de ce qu’il appelle une «guerre info-centrique». En tant que responsable des questions logistiques pour la coalition anglo-américaine, il coordonne un vaste système d’information grâce auquel l’état-major peut localiser à tout moment l’ensemble des véhicules et des cargaisons.

Ce dispositif constitue une part essentielle de la «révolution dans les affaires militaires» chère au Pentagone. Il repose sur un nouveau type d’étiquettes RFID (radio-frequency identification), qui permettent d’identifier l’objet auquel elles sont accolées et d’en suivre les déplacements en temps réel.

Ces étiquettes sont composées d’un microprocesseur qui enregistre les données et d’une minuscule antenne radio qui les communique. Elles peuvent êtres scannées par des appareils manuels en forme de pistolet, et leurs informations sont gardées dans des bases de données accessibles de partout dans le monde.

C’est, curieusement, le même système qui vient d’être adopté par le fabricant de vêtements Benetton (lire ci-dessous). Pour les militaires américains, l’objectif est d’atteindre ce qu’ils appellent la «total asset visibility», ou visibilité totale des ressources.

Selon le Federal Computer Week — magazine sur les technologies utilisées par le gouvernement –, le Pentagone gère plus de 250’000 containers qui circulent entre 400 locations dans plus de 40 pays. Grâce aux étiquettes RFID, les officiers peuvent localiser toutes les cargaisons «entre l’usine et la tranchée», précise l’hebdomadaire. L’état-major peut même «rediriger des containers vers d’autres directions en fonction d’urgences nouvelles».

Un document officiel du Commandement des États-Unis pour les transports, installé dans la base Scott dans l’Illinois, indique que pendant la première guerre du Golfe «40% des containers arrivant sur le théâtre d’opérations devaient être ouverts pour déterminer leur contenu et leur destination finale.» Le chiffre n’était plus que de 10% en Afghanistan.

Pour l’opération actuelle en Irak, le général Tommy Franks a demandé à ce que tous les containers du Département de la Défense soit équipés de puces d’identification. L’armée américaine a donc signé un contrat de 90 millions de dollars avec la firme Savi Technologies pour la fourniture de matériels, de logiciels et de services RFID permettant de localiser, contrôler, suivre, traiter et déployer ses fournitures sur toute la planète.

Les militaires américains se sont inspirés d’entreprises comme Swatch, Caterpillar ou Dell pour optimiser ainsi l’organisation de leurs stocks. Pris dans son ensemble, le dispositif n’est autre que l’application à l’art de la guerre de la gestion en flux tendus.

Le PDG de FedEx, Fred Smith, ne disait pas autre chose quand il déclarait que «la maîtrise de la logistique est aussi vitale pour l’économie digitale qu’elle l’était pour l’extraordinaire succès de l’Empire romain.»

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Benetton aussi

Le fabricant Benetton vient de commander 15 millions d’étiquettes d’identification par fréquence radio (RFID) auprès de Royal Philips Electronics. De la taille d’un grain de sable, ces puces seront placées sur les vêtements produits par la marque italienne, de manière à simplifier la gestion de stocks. Elles devraient également permettre de lutter contre le vol.

«Benetton, qui dispose de milliers de magasins dans le monde, souhaite mettre en place cette technologie futuriste pour réduire ses coûts, en permettant de tracer ses vêtements pendant toute leur durée de vie», a déclaré Terry Phipps, responsable informatique du Benetton Group. Nettement plus efficace qu’un système de code-barre, le dispositif RFID permet de scanner d’un seul geste l’ensemble des vêtements contenus dans une caisse.

Annoncé à la mi-mars, ce projet de Benetton a immédiatement suscité l’inquiétude chez les défenseurs de la sphère privée. Les individus portant un vêtement Benetton pourront en effet être détectés à l’aide d’un récepteur RFID. Le couturier italien Prada place déjà de telles étiquettes électroniques dans ses vêtements.