TECHNOPHILE

Ton PC aussi peut lutter contre le bioterrorisme

Un programme de recherche «in silico» vient d’être lancé à l’échelle mondiale pour trouver un traitement contre la variole. Vous pouvez y participer.

C’est un formidable combat qui va se jouer ce printemps dans les circuits imprimés. Un combat simulé, avec, d’un côté, plusieurs millions de PC et, de l’autre, l’un des virus les plus vicieux que la terre ait portés: celui de la variole, qui a déjà détruit des centaines de millions de vies humaines.

Cette maladie épidémique a été éradiquée par vaccination dans les années 1970, mais les services secrets occidentaux considèrent qu’elle pourrait resurgir lors d’une attaque bioterroriste. Et, comme aucun médicament antivariolique n’est connu à ce jour, le Département américain de la défense vient de décider de coordonner un vaste projet pour accélérer la recherche.

La technique utilisée, nommée grid computing (calcul en grille), repose sur la puissance dormante des ordinateurs connectés au réseau.

Pour prendre part au projet, il suffit de télécharger un économiseur d’écran du site Grid.org: votre machine pourra alors, pendant ses temps morts, effectuer sa part des calculs. Lorsqu’elle aura obtenu les résultats, elle préparera une réponse qui sera envoyée automatiquement au système central lors de votre prochaine connexion. Vous aurez ainsi contribué à la recherche d’un traitement contre la variole sans même vous en apercevoir.

«Les premiers résultats pourraient être obtenus en trois mois, pour une recherche qui, sans cela, durerait plusieurs années», indique le Dr Dave Watson, directeur de programme au laboratoire IBM de Hursley, en Grande-Bretagne, qui participe à l’opération.

L’opération Smallpox, c’est son nom, permettra de tester «in silico» l’effet de 35 millions de molécules sur le virus modélisé de la variole.

«Le grid computing est très efficace pour résoudre des problèmes morcelables en un grand nombre de tâches indépendantes, explique le professeur Hans-Heinrich Nägeli, qui dirige le groupe du parallélisme informatique à l’Université de Neuchâtel. Le principe est simple: l’ordinateur maître confie, par exemple, les 20 000 premières molécules à tel ordinateur esclave, puis les 20 000 suivantes à tel autre, et ainsi de suite, en leur demandant de l’avertir quand ils auront obtenu un résultat intéressant. Le grid computing peut s’avérer beaucoup plus efficace et avantageux que les supercalculateurs qui coûtent 10 millions à l’achat, et encore une fois autant chaque année pour le personnel et l’entretien.»

L’opération Smallpox ne suffira cependant pas à trouver le médicament antivariolique. «Elle permettra seulement de réduire le nombre de molécules candidates pour participer à un traitement», poursuit Dave Watson. Les résultats seront alors envoyés à plusieurs laboratoires anglais et américains, chargés de développer le traitement.

Et que se passerait-il si le virus resurgissait avant la découverte du médicament?

«En cas de réapparition de la variole à la suite d’une attaque bioterroriste, on utiliserait une stratégie de ring vaccination, explique Ian Simpson, porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé. Cette technique consiste à vacciner tout l’entourage des personnes atteintes par la maladie: sa famille, ses collègues et amis ainsi que tous ses voisins dans un périmètre de 100 mètres. Le vaccin est encore efficace trois à quatre jours après le contact avec la personne contaminée. C’est grâce à cette technique qu’on a pu éradiquer l’épidémie à la fin des années 1970.»

Soldats américains vaccinés

C’est à la suite d’un vaste programme de vaccination mené dans les années 1960 et 1970 par l’Organisation mondiale de la santé que la variole a pu être éradiquée. En décembre 1979, les gouvernements ont décidé que tous les stocks du virus seraient soit détruits, soit remis à l’un des deux labo-ratoires de haute sécurité existants, à Atlanta et Novossibirsk.

Ce processus s’est achevé au début des années 1980 et, depuis, aucun autre laboratoire n’a eu officiellement accès au virus. Mais les gouvernements occidentaux estiment que des souches sont détenues secrètement dans d’autres laboratoires et pourraient être mises en circulation délibérément dans une situation de guerre.

Le vaccin antivariolique fonctionne, mais peut avoir des effets secondaires très graves, parfois fatals. On considère que, sur un million de personnes vaccinées, une ou deux vont mourir et une cinquantaine souffriront de complications. C’est pourquoi le vaccin est aujourd’hui réservé aux chercheurs ainsi qu’aux soldats américains envoyés en Irak.

——-
Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 16 février 2003 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

Retrouvez Largeur.com chaque semaine dans la page Futur de