Choisir son film et le recevoir aussitôt chez soi: c’est le rêve du vidéophile, et un marché prometteur pour les opérateurs télécoms. La vidéo à la demande n’a cependant pas connu l’évolution souhaitée et le téléchargement d’un film en haute qualité sur les lignes actuelles n’est pas assez rapide.
A l’heure où Swisscom, Cablecom ou Bluewin se préparent à la guerre des tuyaux qui leur permettra de proposer un tel service, de nouveaux venus viennent jouer les trouble-fêtes et se découvrent un allié inattendu: La Poste. La société fribourgeoise NetMovies propose à la location un catalogue de plus de 5000 DVD qu’elle livre dans toute la Suisse par courrier A.
Pour environ 9 francs, port compris, le film choisi avant 17 heures sur Internet arrive le lendemain dans la boîte. L’internaute s’engage à le retourner dans les sept jours dans son enveloppe prétimbrée. «Constatant l’explosion du marché suisse du DVD, j’ai monté l’entreprise et le site en moins d’un an», explique Pierre Runser, fondateur de NetMovies. Le site, le stock et la logistique ont coûté trois fois plus cher que le lancement d’une vidéothèque classique. Avec, à la clé, un marché bien plus important que celui d’un magasin de quartier. Les titres sont souvent disponibles en version anglais-français et anglais-allemand, afin de satisfaire la demande alémanique.
L’offre concurrence efficacement les vidéothèques: fini le parcage en double file, les titres non disponibles et les surtaxes pour les retours en retard. Sur Internet, le délai de livraison est compensé par la flexibilité du site et la possibilité de garder les films une semaine entière. En plus, les internautes peuvent laisser des commentaires pour chaque film loué et se voient recommander certains titres en fonction de ce qu’ils ont déjà visionné.
Gérant d’une vidéothèque près de Genève, Lucido Salvatore a développé une offre semblable: «Au début, nous avons songé à un système de réservation téléphonique. Mais c’était plus simple de mettre notre catalogue en ligne». Ouvert en août 2001, Home-dvd.ch devient le premier site du genre à Genève et compte depuis un millier de clients réguliers.
Des services similaires fleurissent aux Etats-Unis. NetFlix, QuickFliks, DVD Avenue ou Cafe DVD concurrencent le géant de la branche, Blockbuster. Là, les clients souscrivent un abonnement leur donnant accès à un nombre illimité de DVD, mais pas plus de trois à la fois. A chaque film qu’ils renvoient, le suivant leur est expédié, selon la liste qu’ils maintiennent sur le site.
La force de ces vidéothèques virtuelles réside en partie dans leur système de recommandation qui leur permet de disperser la demande sur une gamme plus large de titres et met en avant les films indépendants et à moyen budget pour lesquels les commissions sont plus avantageuses.
Alors que Lantana, une production indépendante australienne, n’a rapporté qu’un petit million de dollars avec 100 000 entrées dans les salles américaines, le film été vu par 40 000 spectateurs de plus grâce à NetFlix. «Nous avons une forte demande de titres hollywoodiens, explique Pierre Runser, mais aussi beaucoup de titres plus anciens comme Ben Hur, Laurel & Hardy ou les films de Marilyn Monroe par exemple. Un grand choix de films X est aussi disponible et marche très bien grâce à nos envois discrets.»
Le succès de la location à distance s’explique aussi par la réticence des studios envers le téléchargement de films en temps réel (qui facilite le piratage). Les services Internet tels que Stream-It, dont Bluewin vient d’étendre la phase de test à l’ensemble de ses abonnés ADSL, parviennent tout juste à maîtriser les aspects techniques de la diffusion de vidéos de haute qualité, sans pouvoir espérer la rentabilité avant de longues années. Pour Pierre Runser, «ces systèmes remplaceront les vidéothèques d’ici 5 à 8 ans. Mais ils ont encore du pain sur la planche en ce qui concerne le choix des films, la rapidité des téléchargements et autres problèmes techniques».
Ce DVD s’autodétruira
Deux sociétés américaines, SpectraDisc et FlexPlay, ont développé un revêtement destiné à rendre les DVD illisibles après un certain délai. Epaisse d’un micron, cette couche se dégrade rapidement au contact de l’air ou du laser, et devient opaque en quelques heures. L’achat du DVD jetable pourrait permettre aux éditeurs de s’emparer du juteux marché de la location.
A côté de l’achat en ligne, la distribution pourrait ainsi passer par les stations-services, les grandes surfaces ou encore les chaînes de livraison de pizzas. Comme l’aspect écologique du procédé peut paraître douteux, FlexPlay n’a pas hésité à mandater un «expert indépendant» pour démontrer qu’en n’ayant pas à ramener leurs DVD au magasin, et si 10% de la location de DVD passait par eux, leur invention permettrait d’éviter la consommation de 177 millions de litres d’essence chaque année aux Etats-Unis.