Il paraît que chez nous, une telle prise d’otages ne se serait pas terminée dans un tel bain de sang. La police n’aurait jamais été aussi brutale. Ah bon?
Violonistes à vos archets! L’Occident, si l’on en croit ses médias, sanglote tant il a mal au coeur. Il digère difficilement la victoire du président Poutine sur les kamikazes tchétchènes.
D’abord, lit-on, la méthode utilisée relève de la barbarie russe plus que de la civilisation. Ensuite, une victoire ne peut advenir sur un amoncellement de cadavres innocents. Enfin, la fermeté de Poutine prouve, s’il en était besoin, que la Russie a trouvé en lui un nouveau Staline, la poigne de fer capable de la mâter.
Depuis hier, les commentaires abondent dans le même sens: chez nous, en Occident, jamais une telle prise d’otages ne se serait terminée dans un tel bain de sang, provoqué par une police aussi brutale. Car, n’est-ce pas, en Russie la vie humaine n’a pas la même valeur qu’en Occident.
Je me pince! Je cauchemarde!
Qui peut croire sans rire que cette même prise d’otages, dans une situation aussi considérablement pourrie que celle que nous vivons depuis que les grands de ce monde ont déclaré une guerre mondiale au terrorisme, pourrait se dérouler différemment à New York, Paris, Londres ou Berne?
Regardez-vous dans un miroir, comptez jusqu’à dix et répondez! D’une manière ou d’une autre, n’importe quelle police aurait fait la même chose.
Quand un proche de Poutine se félicite de ce que les otages morts ne sont pas plus nombreux, il a raison. Comment calculer la dose avec précision face à une telle variété d’individus?
Quant aux bonnes âmes qui nous serinent sur le peu de valeur que les Russes (le peuple qui nous a aussi donné Dostoïevski et Tolstoï!) sont censés accorder à la vie humaine, qu’ils se rassurent: les plus Occidentaux des Occidentaux font aussi bien.
Souvenez-vous de ce 19 avril 1993, quand à Waco (Texas), le FBI lançait avec des blindés, des gaz et des lance-flammes l’assaut contre une ferme où depuis 51 jours les membres d’une secte religieuse étaient assiégés.
Il ne s’agissait pas de terroristes tchétchènes télécommandés par Ben Laden, juste d’illuminés, d’exaltés, qui, si mes souvenirs sont exacts, avaient joué à touche-pipi avec des enfants. Sous les décombres fumants, après avoir creusé pendant plusieurs jours, les forces de l’ordre découvrirent 76 cadavres. Douze d’entre eux étaient ceux d’enfants de moins de cinq ans. Des terroristes, vous dis-je! La lie de l’humanité!
Au lendemain de l’assaut, il se trouva un président, ce n’était pas Poutine le sanguinaire, mais le paisible Clinton, pour déclarer: «J’assume entièrement la responsabilité pour la décision et l’exécution.»
Or il s’est avéré que le FBI dans sa fougue avait utilisé un gaz interdit par les conventions internationales, ce qui, semble-t-il, n’est même pas le cas de celui dont le FSB russe s’est servi samedi matin.
Le gouvernement russe, soutenu par une large partie de sa population, se permet n’importe quoi envers les Tchétchènes. Par racisme. Ici, nous disons n’importe quoi sur le gouvernement russe et la large partie du peuple qui le soutient. Par racisme.
