Si le réseau contribue à la propagation des canulars, il permet aussi de les court-circuiter. Ce phénomène éclaire les préoccupations contemporaines. Qui a parlé de téléphone mobile explosif?
La rumeur ne passera plus par moi. La preuve, je n’ai pas répercuté cette histoire de téléphone mobile explosif.
Vous ne la connaissez pas? Depuis le mois dernier, une drôle d’histoire circule sur le Web, faisant état d’accidents graves occasionnés lors de l’utilisation de téléphones à proximité de pompes à essence dans les stations Shell de Belgique.
Info ou intox? Les internautes disposent désormais d’un moyen rapide pour dissiper les doutes. Un canular, devenu planétaire en quelques minutes, peut maintenant être dégonflé tout aussi rapidement. Le réseau joue non seulement un rôle primordial comme puissant moteur de diffusion, mais se révèle aussi très efficace pour la démystification.
La diffusion d’informations fausses n’est pas un phénomène nouveau. Seuls les moyens varient. Dans un ouvrage qui vient de paraître, deux sociologues français, Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, abordent des questions que nous nous sommes tous posées un jour: qu’est-ce qu’une rumeur, à quels signes peut-on en reconnaître une, comment naît-elle, comment se développe-t-elle et pourquoi y croyons-nous?
Leur ouvrage, «De source sûre? Nouvelles rumeurs d’aujourd’hui» (Payot) révèle les préoccupations et centres d’intérêts de nos contemporains.
Depuis les paniques alimentaires jusqu’à notre rapport à la nature, en passant par les techno-peurs, la sexualité, la violence urbaine et bien sûr internet, ces rumeurs, devenues «légendes urbaines», sont analysées comme autant de réponses récurrentes et redondantes à des problèmes sociaux fondamentaux.
Une large place est faite à toutes les rumeurs de virus qui, comme celles concernant la pénurie, débouchent sur un phénomène d’autoréalisation. Une fausse information devient vraie par notre action même.
Si l’on examine le rôle d’internet dans la diffusion des fausses informations, on constate une identité de nature entre la rumeur et la réseau: l’une comme l’autre obéissent à une «nécessité de circulation». Pas étonnant dès lors qu’elles y prolifèrent.
Les deux sociologues ont repéré sept types de messages «rumoraux» circulant sur le Net: les alertes aux virus, les chaînes magiques ou superstitieuses, les chaînes de solidarité, les pétitions, les rumeurs proprement dites (fausses informations, canulars), les légendes urbaines (pseudo faits divers), ainsi que les histoires drôles, photos ou dessins humoristiques. Les messages à faire suivre («à forwarder») sont de plus en plus fréquents dans les boîtes aux lettres électroniques.
«La haute technicité du média n’est pas corrélée avec une haute fidélité des messages, relèvent les auteurs. D’ailleurs, internet a développé son propre antidote aux rumeurs et aux légendes qui y circulent.» De nombreux sites sont en effet spécialisés dans le repérage et l’analyse des fausses informations.
En 2001, les seringues dans les fauteuils de cinéma, les chats bonzaï et le sexe de Miss France arrivaient en tête du hit parade des rumeurs francophones.
