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Analphabète, analphabush

On se frappe quand on ne peut plus se parler? George W. Bush paraît particulièrement bien formaté pour notre époque.

On observe de nos jours un processus étonnant. Plus l’alphabétisation des nations dites modernes semble progresser, à la satisfaction des observateurs et des gouvernants superficiels, plus une sorte de crypto-désalphabétisation s’aggrave, au point d’autoriser la prophétie suivante: rares seront celles et ceux qui sauront encore lire dans dix ou quinze ans, et plus rares seront encore, bien sûr, celles et ceux qui sauront écrire.

Les attentats commis le 11 septembre 2001 à New York et Washington ne sont pas seuls responsables du phénomène. Le conflit qui déchira naguère le territoire de l’ancienne Yougoslavie nous avait déjà rappelé qu’il est des moments de l’Histoire extrêmement défavorables aux acquis de la civilisation.

L’humain renonce alors aux outils de représentation mentale et par conséquent de formulation langagière qu’il s’est patiemment forgés au cours des siècles, et s’abrutit soudainement, au sens littéral du terme, pour frapper d’autant plus efficacement ses congénères.

George W. Bush, avec son visage de bonobo lustré, est donc particulièrement bien formaté pour notre époque. Qu’il ait atteint les échelons supérieurs du pouvoir en Amérique dans les circonstances d’inculture croissante qui nous imprègnent ne saurait étonner.

Profondément illettré lui-même*, il a profité d’un environnement marqué par l’effondrement des signes et du sens tel qu’on le constate dans les domaines de notre existence quotidienne soumis à l’influence obsédante des médias: tout journal populaire s’efforce, aujourd’hui, de produire l’illusion d’une lecture plutôt qu’une matière réelle à lire.

La chance décisive du bonobo fut cependant l’attaque des Twin Towers et du Pentagone. Elle lui fournit le meilleur prétexte pour abolir durablement tout ce qui pouvait contribuer, au sein des masses indigènes, à leur distanciation mentale face aux événements.

Schématisation de la parole nationale, caricature des dialectiques gouvernementales fines, exaltation de l’onomatopée militaire, spécialisation dans l’éructation patriotarde et pan sur la table ou sur la gueule d’en face: George W. Bush incarne et promeut à merveille la jachère intellectuelle et politique où glisse aujourd’hui notre pauvre espèce, toujours plus communicante et toujours plus régressive.

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La presse a souvent rappelé que George W. Bush avait nommé les Grecs «Gréciens».