Nicolas Wadimoff n’est pas un cinéaste qui se plaint. Comme ceux qui justifient la mollesse du cinéma suisse en invoquant systématiquement le manque de moyens. «Quand les projets sont bons, ils se montent, dit-il. Quand je n’avais pas d’argent, j’en ai cherché au lieu de passer mon temps à gémir. En Suisse ou ailleurs, on finit par en trouver, ou à avancer quand même. Regardez Xavier Ruiz, qui a réalisé Neutre, il n’a pas réussi à financer son film, mais il l’a quand même fait, puis diffusé dans les salles!»
A 38 ans, plusieurs documentaires et quatre longs métrages derrière lui (deux films de cinéma, deux téléfilms), Nicolas Wadimoff peut exhiber son parcours en guise d’exemple. Il est l’un des rares cinéastes de sa génération à pouvoir vivre de son art en Suisse. «On me dit souvent que je parle beaucoup d’argent, mais il ne faut pas se voiler la face: le cinéma est aussi une histoire de fric, c’est un art coûteux.»
Logiquement, Wadimoff s’intéresse aussi au financement de projets, et à leur rentabilité. Il a donc monté sa propre maison de production, avec quatre associés. Caravan Prod réalise des fictions mais aussi des films publicitaires (pour Piaget, le CICR ou Serono) ou des documentaires (comme celui à venir sur Alinghi, le bateau d’Ernesto Bertarelli).
«Caravan est une entreprise rentable aujourd’hui. Il y a environ un an, j’ai décidé de lâcher la production pour me consacrer plus qu’à la réalisation. J’ai donc quitté Caravan Prod. Je suis encore actionnaire de la société, mais plus pour longtemps.»
Le cinéaste travaille aujourd’hui sur l’adaptation d’un roman de l’auteur genevois Jean-Jacques Busino, qui se tournera en 2004.
C’est son long métrage intitulé Clandestins, primé au festival de Locarno en 1998, qui a accéléré sa carrière. Mais Nicolas prend la caméra à 18 ans déjà, pour réaliser un documentaire sur un jeune boxeur. Il étudie ensuite le cinéma à l’Université de Montréal, réalise plusieurs courts métrages et entre à la TSR comme réalisateur (notamment pour Temps présent). Il tourne ensuite Mondialito, sorti en 2000 et dans lequel joue Emma de Caunes, l’histoire d’un gamin arabe qui abandonne sa famille d’accueil pour réaliser son rêve: assister à la demi-finale de la Coupe du monde de football à Marseille. Et des productions TV: l’an dernier, 15, rue des Bains pour la TSR, et plus récemment un téléfilm, intitulé Kadogo, l’enfant soldat, qui passera cet automne sur France 2 et la TSR.
Travail à distance
Pour Nicolas Wadimoff, les technologies ont changé le métier de cinéaste. «Dans l’écriture, l’internet me fait gagner un temps fou. Je travaille actuellement à distance avec une scénariste mexicaine, ce qui était impossible avant: je passais mon temps à dactylographier des fax! Je travaille plus vite, et j’économise des voyages.» La technologie intervient aussi pour les repérages. «Je construis mon storyboard en utilisant des photos numériques, ce qui me permet de réaliser des fiches techniques illustrées beaucoup plus rapidement et précisément.»
La technologie numérique se développe dans le cinéma, mais Wadimoff tourne si possible toujours en pellicule classique («le grain est quand même plus beau»). Par contre, le montage est entièrement numérique sur une plate-forme Avid le standard qu’utilisent tous les professionnels. «L’ensemble de la production est digital, y compris le son. Dans mon travail, la technologie permet de perdre moins de temps, de se centrer sur la création.»
De l’argent pour «Un café, une cigarette»
Le prochain film de Nicolas Wadimoff s’appelle «Un café, une cigarette». Il s’agit d’une adaptation d’un polar de l’auteur genevois Jean-Jacques Busino. Il sera tourné en 2004 au Mexique.
Le cinéaste lève les fonds, recherche les partenaires et commence à travailler sur les repérages. «Le film raconte l’errance d’un homme qui cherche un sens à sa vie, décide de monter un home pour enfant de la rue, et doit lutter contre la mafia locale. Le livre se passe à Naples en 1994. Aujourd’hui, la ville me semblait trop formatée. Je vais donc tourner le film à Tijuana, une ville de perdition qui rend beaucoup mieux les enjeux du scénario. Je ne me force pas à traiter de sujets politiques, j’ai une culture du documentaire qui influe sur mon cinéma. Mais je voudrais mettre plus de poésie et de lyrisme dans ce film.»
«Ce nouveau long métrage est un projet à 4, même 5 millions de francs. J’ai notamment trouvé un producteur mexicain, car pour le financement, mon souci était de trouver des partenaires adéquats, qui apportent quelque chose dans le projet en plus de l’argent. On ne peut pas trouver un tel montant en Suisse pour un film. Si on fait le tour de toutes les aides provenant des institutions culturelles ou de la Confédération, et qu’on est produit par la télévision suisse, on lève au maximum 1,2 million de francs, même si on s’appelle Godard. Donc il faut chercher de l’argent ailleurs: en Belgique, en France, en Allemagne ou en Espagne… En Suisse, j’ai beaucoup plus de facilité à lever des fonds que quand je commençais. C’est un nouveau défi pour moi de trouver un financement à l’étranger.»
——–
Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 21 juillet 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.
Retrouvez Largeur.com chaque semaine dans la page Néoculture de
![]()