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«Ma famille est restée coincée au Kosovo»

Quelques mots de Muharem et de Teki, qui vivent en Suisse, à Renens

«Nous sommes quatre frères qui travaillons depuis vingt ans en Suisse. Nous avions acheté une station-service au Kosovo. L’an dernier, nous y avions installé une citerne, pour 130 000 marks. Les troupes serbes l’ont rasée, c’est fini, de la poussière… Bien sûr, il ne s’agit que des biens matériels. Le plus important, ce sont les vies.»

«Un de mes frères s’est tué récemment dans un accident de la route en Suisse, nous avons rapatrié le corps pour l’enterrer au Kosovo. Juste après, les bombardements ont commencé. J’ai réussi à sortir avec ma fille de 19 ans en marchant quatorze heures. Ma femme et huit autres membres de ma famille, tous établis en Suisse, sont restés coincés sur place. Tout ce que j’ai appris par des intermédiaires, c’est qu’ils ont changé trois fois de village dans leur fuite.»

Muharem Ismalji, contremaître en génie civil, permis C, Renens (Vaud, Suisse)

«J’ai 17 ans, je termine ma scolarité obligatoire cette année, j’ai déjà trouvé une place d’apprentissage comme dessinateur en bâtiment. C’est moi qui ai dessiné le petit tableau accroché au mur du salon. Il représente la maison que mon père et ses frères avaient construite à Krusha Madhe, près d’Orahovec. C’est le village où a été filmée la bande vidéo montrée par la BBC et où on voit des cadavres d’hommes abattus. La maison avait trois étages, ici se trouvaient les appartements, ici des magasins. Elle était terminée depuis peu. Aujourd’hui, elle n’existe plus.»

Teki Sadiki, Renens (Vaud, Suisse)

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Propos recueillis par Jean-Claude Péclet, né à Renens, où une génération d’immigrés italiens et espagnols ont gagné à l’huile de coude de quoi bâtir un avenir meilleur. Les Kosovars ont moins de chance.