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La Suisse ressemble à Ruth Metzler

Il s’agissait d’optimiser le fonctionnement de la société suisse. On aurait pu croire que le système était déjà réglé comme une horloge atomique, ajusté par des microtechniciens de la chose publique, mais plusieurs dysfonctionnements avaient été observés. Selon le gouvernement, deux mécanismes devaient être rapidement huilés.

Celui de la reproduction tout d’abord: les citoyennes de ce pays surassuré étaient laissées à elles-mêmes quand elles donnaient naissance. Nulle aide publique pour simplifier la vie des mères. Le premier mécanisme perfectible concernait donc la moitié reproductrice de la population. Attendue depuis cinquante ans, la mise en place d’une assurance maternité devenait urgente.

Le second ajustement touchait à l’accueil d’éléments extérieurs. Depuis de nombreuses années, ce pays appliquait de manière sourcilleuse sa loi sur l’asile afin de réguler l’afflux de réfugiés. Le gouvernement avait toutefois détecté quelques flottements suspects. Il souhaitait renforcer la loi.

Introduction d’une assurance maternité et révision de la loi sur l’asile: certains citoyens n’approuvaient pas les priorités des autorités. Des comités référendaires aux objectifs fort différents se sont organisés. C’est ainsi que le peuple suisse a été amené à se prononcer sur les choix de son gouvernement.

Le vote a eu lieu ce week-end. L’optimisation préconisée par les autorités a été approuvée dans le cas de la loi sur l’asile, et refusée sur le front de l’assurance maternité.

«Elles veulent avoir des enfants? Qu’elles assument! Et tant pis pour les mères qui travaillent. L’Etat n’a pas à s’en mêler. Les femmes doivent choisir entre le boulot et la maternité. Celles qui souhaitent concilier les deux doivent en supporter les conséquences.» C’est en substance le message livré par la majorité des votants.

Cette orientation vers le «moins d’Etat» en matière sociale s’accompagne d’un appel au «plus d’Etat» dans le domaine sécuritaire: «Les abus en matière d’asile doivent être combattus avec plus de vigueur. La Suisse n’est pas suffisamment armée sur le plan légal pour faire face aux réfugiés.» C’est, là aussi, le message de la population.

La jeune ministre en charge du département de justice et de police, Ruth Metzler, 35 ans, incarne à la perfection l’image que la Suisse a donné d’elle même ce week-end: celle d’une machine obsédée par la performance.

Ruth Metzler a défendu sans états d’âme le renforcement de la loi sur l’asile. A l’occasion de son élection, elle avait dit haut et fort qu’elle renonçait à la maternité, préférant dédier sa vie à son seul travail. Comme si les deux choix étaient incompatibles.

La maternité considérée comme un grain de sable dans la machine? A force de considérer leur pays comme une fine mécanique qu’il s’agit d’ajuster, les Suisses en auront bientôt évacué tout élément humain.