TECHNOPHILE

Bluewin, un coup plus bas qu’on l’imagine

En cassant les prix avec son offre ADSL à 49 par mois, la filiale de Swisscom est accusée de distorsion de concurrence. A terme, l’usager pourrait souffrir d’un marché moins diversifié.

«A ce tarif-là, on ne peut pas rivaliser sans perdre de l’argent.» Pour Philippe Roditti, patron du fournisseur d’accès VTX, la nouvelle offre ADSL de Bluewin est «un cas évident de dumping».

Depuis le début du mois, Bluewin propose un accès permanent à l’internet avec la technologie ADSL pour 49 francs par mois. «Swisscom nous facture déjà 39 francs par abonné pour l’accès aux lignes téléphoniques, poursuit Philippe Roditti. Ensuite, nous devons payer une taxe en fonction de la quantité de données véhiculées, de l’ordre de 5 à 10 francs par abonné. Impossible de rentabiliser notre infrastructure.»

Les fournisseurs d’accès privés à l’internet soupçonnent Swisscom de favoriser sa filiale Bluewin en lui louant ses services à de meilleures conditions qu’aux autres. «Nous payons à Swisscom le même prix que les autres fournisseurs d’accès», se défend Noëlle Petitdemange, porte-parole de Bluewin. Avant d’avouer: «Oui, nous perdons de l’argent avec cette offre. Nous faisons un calcul sur le long terme: nous misons sur les services, comme la vidéo à la demande, que nous commercialiserons à grande échelle dans un deuxième temps. Notre objectif pour l’instant est d’augmenter notre part de marché.» Celle-ci est déjà confortable: on compte environ 40 000 abonnés à l’ADSL en Suisse, dont plus de 20 000 chez Bluewin. Pris dans son ensemble, Bluewin détient 47% de l’accès à l’internet en Suisse.

Les privés veulent empêcher l’acteur principal du marché d’étendre son emprise: une plainte vient d’être déposée par Profitel auprès de la Commission de la concurrence. La stratégie de Bluewin pourrait être assimilée à de la concurrence déloyale, ou à un abus de position dominante, d’autant que Swisscom a récemment rapatrié sa filiale Bluewin au sein de sa division Fixnet.

Au début de la libéralisation, l’attitude de Swisscom était examinée de près par les commissions fédérales, et l’opérateur se faisait remettre en place dès qu’il semblait profiter de sa situation dominante. «La libéralisation est désormais «passée de mode», analyse Fulvio Caccia, président de la Commission fédérale de la communication. Depuis quelques mois, le vent a tourné et Swisscom bénéficie d’un soutien politique plus fort que jamais. Il faut dire qu’en soutenant son opérateur, la Confédération bénéficie de retombées financières importantes…» En vendant quelques actions, la Confédération – qui possède toujours 62,7% de l’opérateur national – vient en effet d’encaisser 3,7 milliards de francs.

«Pour l’usager, le fait que Bluewin casse les prix peut sembler positif, ajoute Fulvio Caccia. Mais c’est un raisonnement à court terme. Cette stratégie va affaiblir la diversité du marché, car beaucoup d’acteurs ont les reins moins solides que Swisscom et ne peuvent pas se permettre de perdre ainsi de l’argent pour gagner des parts de marché. A terme, le consommateur souffrira du manque de concurrence.»

Une concurrence au câble

A 49 francs par mois, l’ADSL devient compétitif par rapport au câble TV. «C’est lui que nous visons, c’est notre principal concurrent», dit Christian Neuhaus de Swisscom. L’ADSL nécessite cependant l’achat (pour environ 200 francs) ou la location (pour 16 francs par mois) d’un boîtier de connexion à brancher sur son téléphone.

Le câble TV propose un débit d’environ 512 kbps, mais qui est sujet aux parasites et à l’usage des voisins car tout le monde partage le même câble. L’offre de base ADSL fonctionne en mode asymétrique: à 256 kbps pour recevoir les données, et 64 kbps pour envoyer. La liaison ADSL exploite le fil du téléphone mais n’utilise pas de ligne: l’usager peut surfer en téléphonant.

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 24 mars 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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