KAPITAL

Symbian, l’alliance qui effraie Microsoft

Bill Gates réussira-t-il à imposer son standard sur le fabuleux marché des ordinateurs de poche? Pas sûr. Son principal concurrent, le britannique Psion, tient une longueur d’avance grâce à son alliance avec les géants de la téléphonie mobile.

Le marché des ordinateurs de poche va croître de 46% cette année: 3,9 millions d’unités écoulées l’an dernier, 5,7 millions prévues pour 1999. Selon l’institut Dataquest, cette croissance accélérée va se poursuivre jusqu’en 2003, où 21 millions de ces machines à tout faire seront vendues.

La progression dépendra toutefois de la réussite du mariage entre les mini-portables et le téléphone mobile: les fabricants promettent pour très bientôt des machines totalement intégrées, qui rendront l’envoi d’un message électronique aussi simple et immédiat qu’une consultation d’agenda.

Mais quel système d’exploitation l’emportera, pour autant qu’un seul s’impose? Pour l’instant, trois concurrents se partagent le marché. Windows CE dispose de la puissance du marketing Microsoft, mais il reste lourd et peu compatible, même avec Windows 98. Une toute nouvelle version (la troisième, déjà) est apparemment en préparation pour l’automne, combinée avec une vaste campagne publicitaire.

En attendant, le système d’exploitation de Palm Computing continue de s’imposer: simple, rapide, compatible, il reste en revanche limité pour l’accès au Net.

Le troisième larron, Psion, avec son standard dénommé EPOC, entend devenir la plate-forme universelle informatique/téléphonie mobile. L’entreprise britannique a joint ses forces à celles de Nokia, Ericsson, Motorola et récemment Matsushita (Panasonic) pour former la société Symbian, qui developpe EPOC dans ce sens.

Sur le papier, l’alliance impressionne: ne représente-t-elle pas les trois quarts des ventes de téléphones portables? Un document interne de Microsoft cite le projet Symbian comme «la plus grande menace globale» que devra affronter le No 1 mondial du logiciel dans les cinq prochaines années.

Ces derniers jours, le président de Microsoft Steve Ballmer est même venu en Europe courtiser les partenaires de Symbian pour les détourner de Psion. En vain s’il faut en juger par la première réaction de Nokia.

A première vue, tout cela semble assez flatteur pour l’ego européen, d’autant que le système d’exploitation de Psion est extrêmement fiable, très convivial, et sobre comme un chameau pour ce qui est de la puissance exigée et du courant consommé.

Si EPOC intègre en plus toutes les fonctions de communication, il deviendra effectivement redoutable. Pas étonnant dès lors que la valeur de l’action Psion ait quadruplé en un an.

Mais une alliance reste une promesse, un ballon qui peut exploser à tout moment. Et si Psion évoque volontiers les perspectives glorieuses qu’ouvre la vente sous licence d’EPOC, l’entreprise anglaise tente de minimiser ses faiblesses, dont certaines deviennent inquiétantes.

Premièrement, les ventes de Psion sont extrêmement déséquilibrées entre l’Europe, où les Series 3 et 5 détiennent la moitié du marché, et le reste du monde où la marque est pratiquement inexistante.

Même sur le Vieux Continent, les résultats espérés avec le lancement de la Serie 5 il y a deux ans n’ont pas été atteints; la division qui fabrique les S3 et S5 a vu reculer ses ventes de 14 pour cent l’an dernier.

Enfin, et c’est le plus ennuyeux, Psion n’a pas lancé de produit vraiment nouveau depuis l’été 1997, une éternité dans ce secteur. Dans le même temps, Palm Pilot s’attaquait au marché par le bas et surtout, les nouveaux mini-portables Windows CE avec écran couleurs se multipliaient, détournant progressivement la clientèle de la Serie 5 de Psion.

Toujours selon Dataquest, Windows CE et Palm OS se partageront les neuf dixièmes du marché en 2003.

Rien ne sert d’avoir le meilleur système d’exploitation s’il n’existe pas de machine vraiment populaire pour en convaincre le public. Tel est le paradoxe de Psion, la tête dans les étoiles avec Symbian mais les pieds dans la glaise côté «hardware».

L’entreprise britannique peut aussi bien devenir un acteur majeur dans le marché des portables que chuter au rang de producteur marginal. Consciente du risque de lasser ses clients (Symbian ne produira rien de concret avant l’année prochaine), elle annoncera de nouvelles machines à la fin de ce mois.

Mais les rumeurs qui circulent autour de ces nouveautés sont aussi contradictoires que confuses. La seule certitude est que le directeur de la division «ordinateurs de poche», Harold Goddjin, a démissionné en avril, suite aux résultats moyens et à des conflits internes.