Le rayon laser mis au point à l’Institut de physique de Neuchâtel permet de transmettre des données à haut débit. Un concurrent sérieux pour le «last mile».
Transmettre des données informatiques à haut débit par rayon laser à travers l’espace sur de longues distances, on croirait lire de la science-fiction. C’est pourtant ce que permet de réaliser une récente découverte d’une équipe de chercheurs neuchâtelois.
Jusqu’ici, le laser ne pouvait être utilisé pour de telles applications, en raison de l’énorme chaleur qu’il produisait. Le laser « à cascade quantique », qui a permis à l’équipe du professeur Jérôme Faist de publier ses recherches dans le magazine Science en janvier, fonctionne en continu et à température ambiante.
«Jusqu’à 39 degrés Celsius, notre rayon est stable, explique Mattias Beck, chercheur responsable du projet à l’Institut de physique de l’Université de Neuchâtel. Autres avantages: il n’est pas cher à produire et consomme peu d’énergie.»
Cette découverte concerne très directement le marché des télécoms. Séquencé en signaux, le laser permet de transmettre des données informatiques, un peu comme un langage morse accéléré. La technique est connue, puisque le laser s’utilise déjà à travers les fibres optiques. Mais la découverte neuchâteloise permet d’explorer un nouveau champ, celui de la transmission aérienne. Entre deux points distants de plusieurs kilomètres, ce laser transmet des données à des débits impressionnants soit, 155 à 625 Mbps.
Le laser ne peut pas traverser d’obstacle et les deux points doivent être en liaison visible. «Mais il traverse le brouillard et n’est pas dangereux, par exemple si quelqu’un passe devant le rayon, car il utilise une longueur d’onde invisible qui ne brûle pas», assure Mattias Beck.
Les débouchés sont énormes, et l’Institut de physique a certainement bien vu en créant il y a quelques années la société AlpesLasers, une spin-off qui se charge du marketing et de la vente de ces applications. «Nous avons déjà été approchés par des entreprises de télécoms américaines, se réjouit Antoine Müller, directeur d’AlpesLasers. Cette technologie peut s’utiliser par exemple pour relier les antennes relais de téléphonie mobile avec le réseau fixe, ou pour établir une liaison à haut débit avec un bâtiment.» Le signal étant optique, il ne nécessite pas de demande de concession d’émission: un gros avantage pour les opérateurs.
La transmission par laser arrive à point nommé pour offrir une alternative au problème du manque de concurrence sur le «last mile», qui freine le développement du haut débit. Le système à haute fréquence WLL – qui permet de transmettre en liaison visuelle des données par les ondes -, reste beaucoup plus complexe et coûteux, à cause des homologations et des problèmes liés à la législation sur les rayonnements non ionisant (smog électrique).
AlpesLasers engage à tour de bras. «Nous sommes 6, et nous serons 34 à l’horizon 2005», anticipe Antoine Müller. D’ici là, un rachat par un géant – comme Philips, Siemens ou HP – n’est pas exclu, et même souhaité.
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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 10 mars 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.
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