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L’opposition invente les rondes de protestation

Malgré la popularité maintenue de Berlusconi, la gauche italienne commence à se réveiller. Nanni Moretti se retrouve propulsé par hasard en politique, à la tête du mouvement «fai da te».

Sonnée par la victoire de la droite, mise en garde par la répression meurtrière des manifestations de Gênes, l’Italie de gauche commence à se réveiller. Berlusconi a certes toujours une majorité confortable dans les sondages, mais pour la première fois depuis un an, il doit compter avec ses adversaires.

Comme souvent quand une situation politique est bloquée, c’est un tiers imprévu qui débloque la situation. Pour qui aurait raté un épisode, rappelons que le gouvernement Berlusconi-Bossi-Fini a pu jusqu’à maintenant gouverner sans provoquer vraiment de débats. Même la démission d’un poids lourd comme Renato Ruggiero, l’ancien ministre des affaires étrangères, n’a pas laissé de traces.

Parce que l’opposition de gauche – divisée en tribus dominées par quelques dépositaires de la sagesse politique infuse comme Rutelli le play-boy écolo, D’Alema l’ex-communiste, Bertinotti le rouge ou Dini le riche centriste – s’est comportée comme s’il s’agissait d’une simple alternance entre braves gens, qualité que l’on ne saurait accoler à des personnages aussi glauques politiquement que Berlusconi ou Bossi.

L’Italie antiberlusconienne a ouvert un oeil le 26 janvier, date de l’apparition d’une opposition dite «fai da te» soit en bon franglais «do it yourself», application moderne du vieux proverbe «aide-toi, le ciel t’aidera». Ce jour-là, en dehors des partis, des citoyens ont fait la première ronde en se donnant la main autour du palais de justice de Milan pour apporter leur soutien aux juges, violemment pris à partis par Berlusconi et ses amis. C’est en renouant avec les rondes enfantines que les antiberlusconiens inventèrent sans le savoir la nouvelle opposition italienne!

Quelques jours plus tard, elle ouvrait le deuxième oeil. A Rome, Nanni Moretti provoquait un énorme scandale lors d’une manifestation politique de gauche en s’emparant du micro et en disant leurs quatre vérités aux dirigeants assis derrière lui, les D’Alema, Rutelli, Fassino… En gros, il les accusait d’avoir provoqué la seconde arrivée au pouvoir de Berlusconi en multipliant erreurs politiques, disputes internes et compromis foireux.

En toute spontanéité, le cinéaste avait frappé juste là où cela fait mal. D’Alema essaya en un premier temps de dévier le tir en brocardant le manque de professionnalisme politique du cinéaste, mais il ne provoqua que des sourires de commisération. Dépité, il annonça par la suite qu’il s’absenterait quelques mois cet été pour se refaire une santé politique en faisant une tournée de conférences aux Etats-Unis.

Du coup et sans même y avoir réfléchi, Moretti se retrouve à la tête de l’opposition «fai da te» contre Berlusconi! Rien ne se fait désormais sans qu’il donne son avis, comme s’il était lui-même candidat à une charge politique.

Dimanche 10 mars, pour protester contre les nominations décidées par le gouvernement à la tête des télévisions publiques, des rondes mobilisant des dizaines de milliers de personnes ont été organisées dans toutes les villes – une quinzaine – disposant d’un immeuble RAI.

Qui aurait jamais pensé que les gens diraient non à Berlusconi en se donnant la main et en faisant des rondes autour de bâtiments symbolisant la justice ou la télévision?