LATITUDES

Une Suisse soulagée par son entrée dans l’ONU

Analyse des soubassements textuels de la votation du week-end. Revoici Gallaz.

«Nous avons été très soulagés», comme confiait à la presse Rudolf Ramsauer, directeur d’economiesuisse, au terme du vote populaire positif sur l’adhésion de notre pays à l’Organisation des Nations-Unies. Ce n’est pas le seul. Tous ceux qui se sont exprimés publiquement sur cet événement de taille, politiciens, journalistes et porte-parole de toutes espèces, convaincus que la Suisse devait enfin s’ouvrir au monde, se sont tous dit éprouver la même sensation: «soulagés»!

Eh bien visitons malicieusement les soubassements du langage et comprenons, à la lumière de ce vocable provenant du latin classique «sublevare» («soulever»), qu’un besoin naturel considérable s’est trouvé satisfait le 3 mars. Oui, nous sommes soulagés – c’est-à-dire que nous nous sommes soulagés. Nous avons libéré le corps helvétique de son fardeau mou le plus enfoui.

Nous nous sommes purgés du matériau douteux qui macérait dans le ventre originel de la nation: nous avons compris que notre Histoire fondatrice était maintenant digérée, que nous en avions extrait tous les nutriments possibles et qu’il fallait nous en libérer. Bonheur donc! Allégement irréfutable, à la double majorité des voix et des cantons! Débarras intime sans précédent!

Vous rendez-vous compte combien de faits et de signes vont changer autour de nous? Tenez, ne serait-ce que ceci: vous rappelez-vous ces visages d’Helvètes moyens qui nous entouraient jusqu’à fin de la semaine dernière, peu typés et peu racés, comme abâtardis par l’obligation diffuse de retenir en soi tous les flux inconscients du corps collectif?

Eh bien c’est fini. La magie, désormais, ne peut que s’étendre et rayonner davantage. Nous serons entourés de frais visages et de corps souples infiniment détendus. Les politiciens engoncés dans l’esprit de sérieux démocratique, les milieux d’affaires codifiés par les standards de l’apparence lucrative, les microcosmes littéraires calvinosés jusqu’à la moelle, les cinéastes indigènes crypto-suicidaires en permanence, vont se mettre à sourire alentour – voire à rire.

Ne resteront d’emmerdés parmi nous que Christoph Blocher et ses sectateurs, évidemment. Manque de pot. Pour le reste, samba!