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Relations sexuelles non-protégées: les risques du «barebacking»

Les nouvelles pratiques sexuelles de la communauté gay obligent les associations à revoir leurs stratégie de prévention.

«Bareback» est un terme hippique. L’expression désigne le fait de monter à cheval à cru. Depuis plusieurs mois, la communauté homosexuelle se l’est appropriée pour lui donner un sens nouveau. Les «barebackers», littéralement les culs-nus, sont les hommes qui entretiennent des relations sexuelles non-protégées.

Si le phénomène n’est pas nouveau, cette manière revendiquée de pratiquer le «sexe avec risque» pose des questions inédites. Aux Etats-Unis, le «barebacking» est devenu une activité structurée. On peut même commencer à distinguer une économie «bareback». Poz, un magazine de San Francisco destiné aux séropositifs, a publié en début d’année un dossier sur le sujet, qui raconte notamment une scène de soirée privée dont le droit d’entrée s’élève à 8 dollars.

Depuis quelques mois, cette sous-culture sexuelle fait son apparition en Europe. En consultant le net, on peut estimer à 15% la proportion d’Européens figurant sur les listes d’adresse des sites consacrés au «barebacking»: des internautes allemands, anglais, hollandais et français s’y sont inscrits.

C’est via internet, justement, que s’est organisée à Berlin à la fin avril une soirée reservée aux «barebackers». Plusieurs revues (Positive Nation, Têtu) ont abordé le phénomène dans leur colonnes, lançant du même coup le débat en Europe.

Le port du préservatif, est-il besoin de le rappeler, reste le meilleur moyen d’éviter d’être infecté par le VIH. Depuis le début de la pandémie, plusieurs questions sont pourtant restées sans réponse. Parmi elles, la surinfection. Deux personnes séropositives doivent-elles utiliser un préservatif pour éviter la transmission de l’une à l’autre de souches différentes du virus?

«Non, répond le professeur Bernard Hirschel, chef du Département des maladies infectieuses de l’Hôpital cantonal et universitaire de Genève et président du XIIe Congrès mondial du sida. Selon lui, «il n’y a pas d’évidence de surinfection par une deuxième souche de VIH chez la même personne, et encore moins que cette hypothétique surinfection pourrait avoir des conséquences néfastes. J’ai toujours pensé et dit que le port du préservatif entre deux personnes séropositives était inutile.»

Mais la pratique du «bareback» ne se limite pas aux personnes porteuses du virus. Née auprès des couples séropositifs, elle s’est répandue chez des séronégatifs qui ont choisi d’en assumer le risque.

Lors de la soirée décrite dans Poz, un texte avertit les participants: «Tous les invités sont présumés séropositifs, ou alors, ils ont pris la décision d’assister à la soirée.» On est là pour éprouver du plaisir peau contre peau, un point c’est tout. Pour des raisons juridiques, les participants sont invités à signer un document qui décharge l’organisateur en cas de contamination.

«Le «bareback» a l’avantage de clarifier la situation, déclare Tristan Cerf, ex-membre du comité de Dialogai, récemment élu au Conseil municipal genevois. La question n’est plus «quel est ton statut sérologique?», mais «quelle relation veux-tu?». Les rapports sans préservatif ont toujours existé. C’est un problème de choix individuel, de liberté, un peu comme la cigarette.»

Le «barebacking» relève-t-il vraiment de la liberté individuelle? Il s’agit plutôt d’une question de responsabilité, estime Roberto Induni, chef de projet à l’Aide Suisse contre le Sida (ASS), organisation faîtière qui coordonne au niveau national le travail des structures régionales. Selon lui, le port du préservatif est un «devoir communautaire. Les séropositifs vivent aujourd’hui plus longtemps. La période pendant laquelle ils sont susceptibles de contaminer quelqu’un est plus longue. Ils ont donc une responsabilité plus importante. Les comportements de négociation avec le «safer sex» ont toujours existé, mais ils sont suicidaires et ils me scandalisent. Ils décrédibilisent le travail de prévention et sont la marque d’un manque de respect pour les personnes décédées. Si chacun est libre de ses choix sexuels, nous ne pouvons pas souscrire au développement commercial que prend le barebacking.»

L’émergence du «bareback» coïncide avec une baisse de l’usage du préservatif dans l’ensemble de la communauté, soit par fatigue, soit par un sentiment de sécurité né des multithérapies. Si cette baisse n’est pas confirmée par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive à Lausanne, elle l’est par toutes les personnes qui s’occupent de prévention et d’accompagnement sur le terrain. La conjugaison de ces deux phénomènes pose dès lors des questions de fond sur le travail de prévention lié au sida.

«Démoniser tout ce qui ne relève pas strictement du «safer sex» n’est pas constructif, déclare Christopher Park, collaborateur permanent de Dialogai chargé des dossiers sida. Pour responsabiliser les membres de notre communauté, nous devons offrir la meilleure information possible.» En octobre 1997, Dialogai a édité une brochure à l’usage des clients d’établissements offrant des «backrooms», lieux propices aux rapports non-protégés. Message de la brochure: «Le préservatif est la meilleure solution pour éviter de se poser des questions sur le degré de danger à faire l’amour dans ces «back rooms». Mais puisque cette pratique existe, prenons-la en compte et informons là-dessus également.»

Face à l’émergence du «bareback», quelle stratégie adopter? Continuer les campagnes qui incitent strictement au port du préservatif ou faire une prévention plus pragmatique en tenant compte des pratiques réelles?

«Il faut mener les deux discours à la fois», répond François Wasserfallen, conseiller personnel de la ministre Ruth Dreifuss et responsable de la prévention anti-sida au sein de l’Office fédéral de la santé entre 1989 et 1996. «On n’a jamais éliminé complètement les relations sexuelles non-protégées. Il me semble simplement qu’il y a aujourd’hui une plus grande liberté de parole qui confère plus de visibilité à ce phénomène. Les «barebackers» ont une conscience de groupe. C’est sur ces normes culturelles qu’il faut agir pour faire passer un message de prévention. L’émergence de telles pratiques prouve, selon moi, que les associations doivent adopter des stratégies de communication de fond, et non plus de crise.»

«Les campagnes traditionnelles ont atteint leurs limites sémantiques», renchérit Christopher Park. L’ASS met sur pied une brochure destinée aux gays séropositifs: une première. Intitulée provisoirement «Sexe et sida: plaisir à moindre risque pour les personnes porteuses du virus VIH», elle est actuellement en consultation auprès de différentes associations, de médecins, et de malades. Sa forme définitive dépendra de leurs remarques. Selon Roberto Induni, il ne fait aucun doute que le thème du «barebacking» sera explicitement présent dans ce nouvel outil.