Pour franchir un palier professionnel, le réflexe MBA est le plus fréquent. Mais pas forcément le plus avisé. Pour se former en emploi, des milliers d’autres cours sont proposés en Suisse romande. Panorama.
Grégoire Evequoz, directeur général de l’Office pour l’orientation et la formation professionnelle à Genève l’assure: «Dans dix ans, 80% des connaissances actuelles d’un étudiant seront sans aucune utilité. La formation continue fait désormais partie intégrante du cursus professionnel, et ce sera encore plus le cas dans le futur.»
Quand on parle de formation continue pour un cadre, on pense tout de suite à un MBA. «Il y a effectivement un effet de mode autour de cette filière, constate Eva von Rohr, directrice du cabinet de conseil en carrière Von Rohr. Mais si la réputation des MBA est incomparable sur le plan international, il ne s’agit pas forcément de la formation qui convient à tout le monde. Tout dépend d’où l’on vient et où l’on veut aller.»
A savoir avant de se lancer
1. L’offre
En Suisse, il existe plus de 30’000 offres de perfectionnement dans tous les domaines. Un marché estimé à quelque 5,3 milliards de francs et occupé par des universités, des instituts de formation privés, semi-publics ou associatifs. «90% de l’offre de formation continue est privée, précise Grégoire Evequoz. Il est essentiel de se diriger vers un établissement certifié Eduqua ou disposant d’un label reconnu.»
2. Le diplôme
Autre point important, le type de diplôme délivré par l’école: «Il ne sert plus à rien de suivre un cours sans qu’il y ait de titre à la clé. Il faut être au clair sur ce que l’on vise: un diplôme reconnu au niveau cantonal, fédéral, international?» Pour s’assurer de la valeur d’un titre auprès des employeurs, Eva von Rohr propose de «contacter des responsables RH et de leur demander ce qu’ils en pensent. Il peut aussi être judicieux de se mettre en relation avec d’anciens étudiants.»
3. La formation
Il convient ensuite de s’informer du contenu de la formation: «Les établissements qui comptent avec un service compétent d’information et d’orientation offrent un avantage, estime Grégoire Evequoz. Il faut également comparer attentivement les prix, qui peuvent aller du simple au double.»
4. La durée
Selon les anciens étudiants interrogés (lire les témoignages), le plus dur dans la formation continue en emploi consiste à rester motivé jusqu’au bout. «Il faut être conscient du nombre d’heures de cours et de la quantité de travail exigée, raconte Moïse Gerson, directeur informatique et ancien étudiant du Cefco. Beaucoup d’élèves abandonnent en cours de route. Pour ma part, je ne me serais jamais lancé dans un MBA, qui exige beaucoup de sacrifices sur deux ans, ainsi que des aménagements spéciaux de l’employeur.»
5. le timing
Quant à savoir à quel moment de son parcours il est judicieux d’entamer une formation en emploi, Yves Rey, responsable du domaine économie et service de la HES Romande, observe que «beaucoup de nos étudiants ont entre 30 et 35 ans, un âge où ils se rendent compte qu’ils ont changé de profil par rapport à leur formation de base et qu’il faut adapter leurs connaissances. La formation continue est utile à n’importe quel moment, et plus particulièrement après la cinquantaine. Le pire est de se retrouver en recherche d’emploi avec des compétences obsolètes.»
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Les établissements romands les plus prisés
Ecole spécialisée en formation continue, présente à Lausanne, Genève, Fribourg, Neuchâtel et Sion. Elle offre des formations en gestion d’entreprise et management, ressources humaines, marketing et communication, comptabilité, gestion de projet, vente et achat. «Pour chacun de ces domaines, nous avons trois niveaux de cours, explique le directeur Damien Montavon. Les Certificats, qui s’adressent aux collaborateurs spécialisés, les Diplômes, destinés aux cadres, et les Diplômes d’études supérieures, qui concernent les membres de la direction.» Les cours du Cefco coûtent entre 2’500 et 10’000 francs et s’étendent généralement sur une durée de dix-huit mois. Organisés sur une soirée par semaine, ils sont adaptés à ceux qui travaillent à plein-temps. «Ce qui distingue le Cefco des autres écoles, c’est que nos formations sont développées en fonction des exigences des entrepreneurs. L’objectif de nos intervenants consiste à ce que les étudiants puissent être rapidement opérationnels sur le terrain.»
La plus grande institution de formation continue de Suisse. Avec plus de 50 sites, sa proximité constitue un atout. Depuis 2007, elle se profile davantage dans le domaine professionnel avec l’Ecole-club Business. «Nous offrons de nombreux enseignements en management et en économie, explique Eric Guillet, chef de produit de l’antenne genevoise. Et il faut distinguer entre les formations diplômantes, qui demandent un investissement important et débouchent sur un diplôme, et les cours, qui peuvent être suivis à la carte.»
Le candidat intéressé doit être attentif au type de diplôme qu’il souhaite obtenir: certaines formations, comme celle de Spécialiste de la conduite de groupe, mènent à un brevet fédéral, d’autres, comme celle de Gestion de projet, sont certifiées par l’Association suisse pour la formation des cadres, et d’autres encore, comme celle de Responsable de vente, bénéficient d’un diplôme de l’Ecole-club.
Face à cette diversité, Eric Guillet se veut rassurant: «Tous nos diplômes sont bien reconnus en Suisse par les employeurs. Après avoir suivi l’une de nos formations, on peut, dans la plupart des cas, s’inscrire à la préparation d’un brevet fédéral. Nos taux de réussite aux examens nationaux sont d’ailleurs supérieurs à la moyenne.» Les coûts de ces formations sont légèrement plus avantageux que dans les autres écoles: le brevet fédéral de Spécialiste de la conduite d’un groupe coûte par exemple 9’800 francs.
Formation continue universitaire
Depuis une dizaine d’années, les universités suisses ont beaucoup développé leur offre de formation continue. «Nous avons surtout des participants pour les Certificates of Advanced Studies (CAS) et pour les Diplomas of Advanced Studies (DAS), explique Geneviève Auroi-Jaggi, responsable de la formation continue à l’Uni de Genève. Les premiers comprennent 150 heures de cours, alors que les seconds exigent 300 heures ainsi qu’un travail écrit, contre 600 heures et un mémoire pour le Master (MAS).»
Formations en marketing, diplômes en gestion culturelle ou en management de la santé, l’offre de cours des universités est considérable. Les admissions se font sur dossier. Si un premier titre universitaire est habituellement exigé, un parcours professionnel remarquable peut également constituer un sésame. Quant au coût de ces formations, il se situe entre 5’000 et 10’000 francs pour un CAS et 10’000 à 15’000 francs pour un DAS.
La formation continue universitaire connaît un succès croissant et ses effectifs ont quasiment doublé depuis l’an 2000. «Les formations sont organisées avec les facultés et la plupart des enseignants sont aussi professeurs à l’Université ou à l’EPFL, précise Marlène Henry Lendi, responsable communication du centre de formation continue Unil-EPFL. Ils fournissent aux participants un réseau d’expertise unique, ainsi que des titres fortement valorisés tant au plan national qu’international.»
Tout comme celui des universités, le système de formation continue des Hautes Ecoles spécialisées (HES) est calqué sur celui de Bologne. En plus des MAS, les HES proposent des CAS, ainsi que des DAS dans les domaines suivants: design et arts visuels, économie et services, ingénierie et architecture, musique et arts de la scène, santé et travail social. «Nous collaborons de plus en plus avec les universités, constate Yves Rey. Si le niveau des formations et le type d’enseignants sont comparables, nous veillons à être complémentaires au niveau de l’offre des matières enseignées. Nous accueillons beaucoup d’universitaires qui ont trouvé chez nous le cours qui leur convenait et vice versa.»
Les tarifs des formations continues sont similaires à ceux des universités et les critères d’admission aussi: «En règle générale, les candidats doivent avoir un titre universitaire ou HES, complété par trois à cinq ans d’expérience professionnelle, explique Yves Rey. Nous restons souples dans certains cas.»
Fondation pour la formation des adultes
La Fondation pour la formation des adultes, de droit privé à but non lucratif, dispense des cours à quelque 10’000 étudiants par an. «Nous proposons des enseignements à la carte ou des formations dans le domaine des langues, de l’informatique, du commerce, des arts appliqués et de l’industrie, détaille Stéphanie Joerg, responsable du secteur commerce. Certaines de nos formations permettent d’obtenir un brevet fédéral.»
Dans le domaine commercial, des brevets fédéraux peuvent être obtenus en comptabilité, finance, conduite d’équipe, ressources humaines ou assistanat de direction. Au niveau des coûts, il faut compter entre 5’000 et 10’000 francs pour environ deux ans de cours.
«Nous sommes très souples au niveau des critères d’admission, ajoute Stéphanie Joerg. Normalement, nous demandons une maturité fédérale, suivie par quelques années d’expérience professionnelle adéquate. Si le candidat ne remplit pas les critères, nous l’orientons d’abord sur des cours à la carte, qui lui donnent les bases nécessaires.»
Le Sawi est un institut de formation spécialisé en marketing, vente et communication, qui existe depuis plus de quarante ans. Chaque année, près de 2800 personnes suivent ses cours, qui s’inscrivent dans le programme européen du Processus de Copenhague, semblable à celui de Bologne pour les universités. Les cours ont généralement lieu deux soirs par semaine et les samedis.
Sawi propose des formations généralistes en marketing, ouvertes à tous. Elles durent six mois et coûtent entre 2’000 et 3’000 francs. Ces cours constituent un prérequis pour la formation menant au brevet fédéral de technicien en marketing, qui exige de plus une expérience professionnelle dans le domaine. Elle se déroule sur deux ans et coûte 12’900 francs. Les cours menant au brevet fédéral de communication ou à celui de vente coûtent 11’990 francs.
«Nos diplômes sont réputés car notre école fait un lien direct avec la pratique, souligne René Engelmann, membre de la direction du Sawi. Les participants viennent y chercher des outils directement applicables dans leur travail. Et les universitaires viennent pour ajouter une corde à leur arc.»
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«Ma formation a permis ma promotion professionnelle»
Xavier Muller, directeur marketing chez Berdoz Optic
Xavier Muller a entamé sa formation de technicien marketing Sawi très jeune, à 22 ans, alors que la majorité des participants se situent dans la trentaine. «J’avais été engagé par Edipresse comme assistant marketing après mon diplôme de commerce. Passionné par ce domaine, j’ai souhaité me former.»
Bien lui en a pris: après 300 heures de cours et un brevet fédéral, il est rapidement engagé comme responsable marketing de l’Illustré (du groupe Ringier). «Les cours Sawi apportent deux choses: un diplôme reconnu par les employeurs et des outils permettant de comprendre les mécanismes du marketing. Une combinaison très efficace!» Après avoir pris la direction marketing du quotidien 20 Minutes pendant sa phase de lancement, Xavier Muller décide de changer radicalement de domaine en rejoignant la chaîne de magasins Berdoz Optic, en septembre dernier. «Ce que j’aime dans le marketing, ce sont les outils qui s’adaptent à des domaines différents. Il n’y a pas de routine.»
Depuis trois ans, Xavier Muller enseigne lui-même au Sawi. «Il s’agit d’un défi passionnant, qui me permet d’acquérir continuellement de nouvelles connaissances et de partager ma pratique du métier avec des étudiants.»
«J’ai utilisé ce que j’ai appris pour créer mon entreprise»
Gervais Cottet, fondateur de M-Road Automobile
Lorsque Gervais Cottet, vendeur d’automobiles, décide de se lancer dans un diplôme en management et organisation d’entreprise au Cefco, il a la quarantaine déjà bien entamée. «C’était en mars 2007. J’avais l’impression de stagner professionnellement. J’ai décidé de faire cette formation de management afin de créer ma propre entreprise.»
Un objectif ambitieux pour ce titulaire d’un CFC de mécanicien et d’un autre de vendeur en automobile, qui totalise plus de vingt-cinq ans d’expérience dans les garages. «Ce n’était pas facile de retourner sur les bancs de l’école, mais je me sentais prêt à le faire. J’ai choisi la formation Cefco car elle est axée sur la pratique. Les cours sont organisés le soir et le samedi. Ce rythme me permettait de garder un emploi à 100%, ainsi qu’un minimum de vie sociale.»
Après deux ans d’études, il obtient son diplôme et crée son entreprise M-Road en janvier 2010. Basée en Valais, avec des antennes sur Vaud, M-Road propose un concept inédit de conciergerie automobile. «Nous gérons des parcs automobiles de particuliers ou d’entreprises, aidons nos clients lors de vente, d’achat ou de réparation. Il y a une vraie demande dans ce domaine et nous sommes très contents des premiers résultats.»
De son passage au Cefco, Gervais Cottet considère que 80% de la matière apprise lui est directement utile sur le terrain. Il en retient également un joli carnet d’adresses: parmi ses premiers clients ont figuré plusieurs de ses camarades d’études.
«J’ai pris un nouveau départ avec ma formation»
Odile Rotzetter, cheffe de produit paris sportifs et PMU à la Loterie Romande
Lorsqu’on aborde le sujet de la formation continue, Odile Rotzetter, cheffe de produit à la Loterie Romande, sait de quoi elle parle: après un CFC de typographe, cette Lausannoise de 40 ans s’est lancée dans une formation en emploi de technicienne en industrie graphique, sur quatre ans. «C’est dur de garder la motivation sur une si longue période, avec beaucoup de week-ends sacrifiés. Mais ce diplôme m’a permis d’obtenir un poste de responsable marketing et vente dans une imprimerie.»
Rapidement, cette jeune femme, qui déteste la routine, se sent coincée dans ce secteur, qui offre peu de débouchés. Elle décide d’entamer une seconde formation au Sawi. «La formation de technicien en marketing, sur dix-huit mois, allait me donner une plus grande liberté de choix dans ma carrière et me permettre un nouveau départ.»
Son brevet fédéral en poche, Odile Rotzetter réussit son pari: elle obtient d’abord le poste de cheffe de produit chez Romande Energie, puis à la Loterie Romande. «La formation Sawi m’a donné des outils indispensables en marketing, et elle m’a aussi permis de mieux clarifier mes objectifs professionnels.» A-t-elle encore d’autres projets de formation continue? «Je garde toujours un pied dans la formation. Maintenant, j’opte davantage pour des formules qui me permettent de combler une lacune particulière en quelques jours.»
«Après ce cours, j’étais plus à l’aise avec mes responsabilités»
Moïse Gerson, directeur informatique chez Tag Aviation
Spécialisé dans l’informatique depuis le début de sa carrière, Moïse Gerson a appris les bases de son métier sur le terrain: «A la fin des années 1980, il n’existait pas encore de formation en informatique. J’ai fait un CFC de commerce dans une entreprise d’informatique, puis j’ai tout appris sur le tas.» Un parcours qui ne pose pas vraiment problème dans un secteur où tout bouge très vite et où les compétences pratiques importent souvent plus que les diplômes.
C’est au moment où Moïse Gerson est promu au poste de directeur informatique de son entreprise qu’il ressent le besoin de compléter sa formation: «Diriger une équipe de 10 personnes qu’on n’a pas toujours choisies, gérer des budgets, ce n’est pas évident sans un certain bagage théorique. J’ai alors décidé d’obtenir le diplôme de management et organisation d’entreprise au Cefco, car c’est une formation très complète qui permet d’acquérir des bases dans les matières nécessaires à un poste de direction.»
Ces cours ont permis à Moïse Gerson d’être plus à l’aise dans ses responsabilités quotidiennes, et d’avoir un meilleur dialogue avec la direction générale. «Je comprends mieux leur logique et leur manière de concevoir les choses. Cela représente clairement un plus pour ma carrière.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.
