Cinq portraits de start-up formées par Venturelab. Cette initiative de l’Agence fédérale pour la promotion de l’innovation (CTI) offre des modules de formation pour soutenir les jeunes entreprises.
Des microélectrodes contre les pathologies neurologiques
Protégée par deux brevets, cette technique permet de lutter plus efficacement contre la maladie de Parkinson.
Estimé à près de 610 millions de dollars, le marché du traitement de la maladie de Parkinson devrait plus que doubler à l’horizon de 2011. Conscient de ce potentiel, Andre Mercanzini, doctorant en ingénierie biomédicale à l’EPFL, a mis au point une nouvelle méthode permettant la fabrication de microélectrodes plus efficaces dans la lutte contre un large panel de maladies neurologiques.
Lauréat du Prix Venture Leaders en 2007, il a fondé la société Aleva Neurotherapeutics, aux côtés de Paul Pyzowski, business advisor, et de Stephan Pochon, spécialiste en microtechnique, pour développer et commercialiser ce produit.
«Grâce à nos électrodes, les neurochirurgiens et les neurologistes gagneront du temps, les assureurs et gouvernements bénéficieront d’une baisse substantielle des coûts et les patients ressentiront moins d’effets secondaires», souligne le physicien d’origine canadienne. Les électrodes utilisées à ce jour comportent il est vrai plusieurs limites. Les effets secondaires provoqués par leur implantation et leur positionnement dans le cerveau durant l’opération peuvent être lourds de conséquences: dans 30% des cas, le processus conduit à des traumatismes psychiatriques et, dans 2% des cas, à des dommages neurologiques importants, voire à la mort.
L’avantage comparatif des électrodes de la société Aleva – protégées par deux brevets et mises au point durant quatre ans au laboratoire des microsystèmes de l’EPFL, sous la supervision du professeur Philippe Renaud – réside dans leur petite taille: «Les électrodes traditionnelles sont mécaniquement peu flexibles et mesurent 1,5 mm, soit bien plus que la cible de stimulation visée dans le cerveau, indique Andre Mercanzini. Notre technique de neurostimulation permet de placer 50 microélectrodes, là où on en nécessite aujourd’hui 4, le tout pour des coûts de fabrication moindres.»
Dans un proche avenir, la société compte ainsi développer des systèmes pour d’autres maladies neurologiques, comme l’épilepsie. «D’ici à 2011, environ 16’000 opérations utilisant la technique DBS (ndlr: Deep Brain Stimulation) seront réalisées à travers le monde générant des ventes d’électrodes de l’ordre de 50 millions de dollars, résume Andre Mercanzini. Grâce à notre méthode, nous comptons acquérir une part significative de ce marché en pleine croissance.»
La robotique au service de la médecine régénératrice
Ce procédé breveté permettra de soigner les défauts osseux, où qu’ils se trouvent dans le corps.
Comment améliorer ou remplacer efficacement les os et les organes humains déficients? Marc Thurner, cofondateur de la société Delta Robotics, cherche depuis plus d’un an une réponse à cette épineuse question. En partenariat avec les professeurs de l’EPFL Jacques Lemaître (LTP) et Matthias Lutolf (LSCB), ainsi qu’avec Yves Mussard de l’Ecole d’ingénieurs de Bienne, il développe une technique permettant la fabrication de substituts osseux de type bioinductifs, notamment par le biais de la robotique.
«Concrètement, il s’agit de mettre au point un procédé apportant de nouvelles solutions en matière de médecine régénératrice, souligne l’ingénieur de 28 ans. Une fois au point, le procédé que nous avons breveté permettra de soigner des défauts osseux de plus d’un centimètre, où qu’ils se trouvent sur le corps.»
L’idée initiale a germé très tôt dans l’esprit de Marc Thurner. Son diplôme de microtechnique en poche, il travaille dans un premier temps dans l’industrie, avant de se tourner vers le programme Venturelab. Il suit les cours Venture Challenge, puis remporte le prix Venture Leaders, qui lui donne la possibilité d’effectuer un stage à Boston, où il emmagasine de nouvelles expériences relatives à la création d’entreprise.
Ce parcours lui ouvre les portes de ce qui fait bien souvent défaut à de nombreux jeunes entrepreneurs: le financement. «Nous disposons actuellement d’un budget supérieur au million de francs sur deux ans. Cette somme devrait nous permettre de démontrer qu’il est techniquement possible de fabriquer de tels implants.» Un peu plus de la moitié de l’argent provient de la Confédération, plus précisément de l’agence pour la promotion de l’innovation (CTI), le reste étant financé par divers business angels et l’initiative Venture Kick.
Une fois la démonstration de l’efficacité technique effectuée, il s’agira de passer aux essais cliniques. Les partenaires chercheront alors à s’associer à une firme établie active dans la régénération osseuse. «Cette entreprise pourra bénéficier de notre technologie et nous de leur infrastructure et de leur réseau de distribution, ce qui nous ouvrira enfin la voie vers la rentabilité.»
L’expérimentation cellulaire sur le long terme
Des tissus humains reconstitués in vitro offrent une alternative intéressante et économique à l’expérimentation animale.
«Le nouveau modèle cellulaire in vitro d’épithelium respiratoire humain que nous avons mis au point permet, grâce à sa durée de vie d’une année, des tests de toxicité sur le long terme. Il offre donc une alternative intéressante et économique à l’expérimentation animale.» Aux côtés de trois autres scientifiques de l’Université de Genève, Samuel Constant a fondé en mars 2006, après avoir suivi les formations Venturelab, Epithelix, la première start-up née de l’incubateur de l’Etat de Genève Eclosion.
Epithelix développe, produit et vend des tissus humains reconstitués in vitro. La société fournit aussi des services de criblage et de tests de molécules à haut-débit, basés sur ses propres modèles cellulaires, à des laboratoires de recherche et au secteur industriel.
Très concrètement, le modèle mis au point par les quatre scientifiques permet d’étudier l’effet chronique provoqué par des substances nocives comme l’amiante ou le tabac. Il offre également de belles perspectives dans la recherche sur les maladies respiratoires, telles que l’asthme ou la BPCO (pour broncho-pneumopathie chronique obstructive). Encore peu connu du grand public, ce groupe de maladies chroniques d’origine respiratoire, dont la cause principale est le tabagisme, connaît depuis 20 ans une augmentation constante: il représente aujourd’hui selon l’OMS la cinquième cause de mortalité dans le monde, après l’infarctus, les accidents vasculaires cérébraux, les infections respiratoires communautaires et la tuberculose.
C’est initialement le docteur Ludovic Wiszniewski qui a développé ce modèle révolutionnaire. Expert en biologie cellulaire, il a été le premier scientifique à avoir réussi à maintenir en culture pendant une année, dans un état homéostatique, des épithéliums humains du système respiratoire, cellules qui représentent en quelque sorte la première ligne de défense de l’organisme. Ses trois futurs associés, les biologistes Jean-Paul Derouette et Song Huang, de même que Samuel Constant, chimiste organicien de formation, se sont occupés du développement des applications.
Détail intéressant: contrairement à de nombreuses jeunes sociétés, les quatre fondateurs ont décidé de ne pas rechercher de financements extérieurs. Ils ont réuni eux-mêmes les 20’000 francs nécessaires à la création de leur Sàrl. Ils ont par ailleurs remporté divers prix, dont le Concours Venture Business plan 2006. Parmi sa clientèle, la société dispose déjà de quelques grosses compagnies pharmaceutiques et commence à intéresser l’industrie chimique et cosmétique.
Quand cosmétique rime avec sécurité
Des produits haut de gamme sans substance nocive, avérée ou soupçonnée, c’est le créneau de cette start-up genevoise.
L’histoire de la start-up Lamarque Swiss Safe Cosmetics est avant tout l’histoire d’une mère préoccupée par la santé de ses enfants: «En 2004, ma fille souffrait d’une maladie cutanée, liée à des allergies, raconte Nathalie Lamarque. Mon pédiatre a établi une liste de produits à éviter.» Munie du précieux document, la jeune mère épluche la composition des crèmes, gels douches et laits qu’elle utilise. Et là stupeur! «Je me suis aperçue que ces substances nocives se trouvaient dans tous les produits, même ceux de pharmacie. Il n’existait aucune marque fiable.»
Nathalie demande donc conseille à son pédiatre, mais il est incapable de l’aider. Il m’a dit: «Si je connaissais un tel produit, je l’utiliserais moi-même!», rigole-t-elle. La jeune femme, qui a travaillé au service marketing d’une entreprise de cosmétiques, prend donc une décision: puisqu’il n’existe pas de produits de soins qui ne contiennent ni phtalates, ni parabènes, ni formaldéhydes, ni tout autre composant dont les risques «sont avérés ou fortement soupçonnés», elle les fabriquera.
Avec un comité d’experts (professeur de chimie, docteur en pharmacie, dermatologue, toxicologue), elle établit une liste noire de 1200 ingrédients, présentant un risque cancérigène, mutagène, tératogène ou encore allergène. Commence alors la longue de mise au point d’une gamme de produit. «Il a fallu près de 18 mois pour établir les formules.»
La société Lamarque voit le jour en août 2006. A ses débuts, elle participe aux Venture Plan et Training, puis obtient les soutiens CTI start-up et Fongit. Aujourd’hui, Lamarque, qui emploie une dizaine de collaborateurs, propose 27 produits pour enfants et adultes, dont les prix s’échelonnent de 34 à 169 francs. Les emballages sont en verre, car «le plastique contient des phtalates, qui risquerait de contaminer nos produits». L’ensemble de la gamme est fabriquée en Suisse par un grand laboratoire, dont l’identité est tenue secrète. La société, qui possède une boutique rue du Rhône à Genève, a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires de 300 000 francs, sans toutefois atteindre la rentabilité. «Pour 2008, nous tablons sur un chiffre d’affaire de 2 millions de francs, grâce à une augmentation de nos exportations. Nous envisageons également d’ouvrir une autre boutique à Zurich ou Paris.»
La culture cellulaire s’améliore
Des boîtes Pétri, à fond souple et à rigidité ajustable, reproduisent plus fidèlement les conditions in vivo.
Pierre angulaire de la recherche biologique, la culture cellulaire présente un biais important: «L’environnement biologique dans une boite de Pétri est malheureusement loin de reproduire celui présent à l’intérieur d’un corps», souligne Pierre-Jean Wipff, doctorant au Laboratoire de biophysique cellulaire, à l’EPFL. Pourtant, toutes les expériences qui visent à comprendre les processus biologiques (tels que le fonctionnement normal ou pathologique des cellules, les effets potentiels de nouveaux médicaments, etc…) se font d’abord sur des cellules cultivées ex-vivo. Conséquence: «Les résultats de recherches effectuées sur des cultures cellulaires sont à considérer avec modération. La science a d’ailleurs déjà pris en compte ce problème en préconisant de faire suivre à des expériences in vitro, des tests in vivo.»
Pour autant la méthode de la culture cellulaire peut-être améliorée. «Les boîtes de culture actuelles ont des fonds rigides. A part l’os, aucun organe ne présente une telle rigidité. Or les cellules sentent et réagissent à l’environnement qui les entoure. Elles perçoivent cette surface rigide comme un stress, en réponse de quoi elles adoptent un comportent différent de celui observé in vivo». Pour changer la donne, Pierre-Jean Wipff, sous la supervision du docteur Boris Hinz, a décidé de développer des boîtes de culture cellulaire à fond souple et à rigidité ajustable, optimisées pour chaque type cellulaire. Une idée pas nouvelle mais, jusqu’ici, aucun matériau n’avait été trouvé pour ce type d’application. «Grâce aux compétences cumulées de biologistes et de spécialistes des matériaux, nous avons réussi à mettre au point un polymère qui peut tenir ce rôle.»
Après avoir suivi le cours Venture Challenge en 2007, Pierre-Jean Wipff, avec le docteur Boris Hinz et un autre collaborateur en charge du business développement, va lancer, d’ici le printemps prochain, une entreprise qui développera et commercialisera ces boîtes de culture à fond souple et ajustables. Un marché prometteur: actuellement le marché mondial de la boîte de Pétri s’élève à 150 millions de dollars par an. Il devrait atteindre 300 millions en 2013.
——-
Venturelab: l’innovation créatrice d’emplois
Venturelab, une initiative de l’Agence fédérale pour la promotion de l’innovation (CTI), offre des modules de formation pour soutenir les jeunes entreprises innovantes et sensibiliser les étudiants au thème de l’entrepreneuriat.
Les cours sont gratuits, sur sélection, pour les projets ayant une forte composante innovation/haute technologie. Venturelab travaille en étroite collaboration avec les écoles polytechniques fédérales, les universités et les hautes écoles spécialisées.
——-
Plus d’informations sur www.venturelab.ch
