KAPITAL

Les Valaisans qui créent des montres à la carte

Comme les ordinateurs Dell, les montres 121Time se composent sur internet. Une aventure devenue rentable cette année.

«Pourquoi personne n’y a pensé avant nous? Parce que l’horlogerie fonctionne encore comme l’informatique avant l’arrivée de Dell: les constructeurs dépendent de leur réseau de distribution et ne peuvent pas le contourner. Ces intermédiaires prennent des marges énormes qui plombent les tarifs.» Avec deux associés (Jean-Loup Ribordy et Daniel Morf), Frédéric Polli a lancé l’an dernier Factory121, devenu depuis 121Time, la première entreprise de création de montres à la demande.

Spécialiste du marketing sur les points de vente pour Novartis puis British American Tobacco, Frédéric Polli a transporté son savoir-faire sur l’internet. Le site 121time.com permet à l’internaute de composer puis d’acheter directement sa montre à l’usine, ce qui minimise les stocks et supprime les intermédiaires coûteux.

«Grâce à ce modèle de vente directe, nous proposons un produit de fabrication suisse à un prix extrêmement compétitif, poursuit le fondateur. Car les marges des intermédiaires atteignent 60% à 70% du prix d’une montre suisse.»

Dans sa catégorie de prix, entre 200 et 1200 francs, 121Time se trouve face au géant de Swatch Group Tissot, qui produit 2 millions de montres par année. «Pour une technologie comparable, nous sommes trois fois moins chers que Tissot ou nos concurrents japonais.» Sur le site 121time.com, l’usager peut sélectionner les composants de sa montre: la forme et la finition du boîtier, le style du cadran et de la lunette tournante, la couleur et matière du bracelet, etc. «Cette personnalisation va dans l’air du temps. La montre est devenue un accessoire de mode et notre système permet de fabriquer un modèle unique, adapté à son goût.»

A chaque étape, le boîtier en cours de conception peut être visualisé sur le web. La gamme compte quatre collections, et deux modèles déclinés au féminin. «Le système informatique est lié en temps réel à nos stocks, il est donc impossible de dessiner une montre dont les pièces ne sont pas disponibles.» 121Time est plutôt fier d’avoir reçu le Prix suisse du meilleur site Web (Best of Swiss Web) cette année, remis par un groupe d’experts à Zurich. «Nous avons gagné devant le Credit Suisse et 272 autres candidats, ce qui est symboliquement fort pour une petite start-up romande comme la nôtre.»

En tout, le développement du site a coûté près de 700’000 francs. Une partie de ce montant a été financée par l’entrée de l’entreprise anglaise en charge de la réalisation, Electrostrata, dans le capital de 121Time.

Le reste du financement a été assuré par les fondateurs. Avant de se lancer dans l’horlogerie, Frédéric Polli avait investi son deuxième pilier dans le rachat d’un night-club mythique: le Taratata de Verbier. «J’ai restauré l’ensemble puis rouvert en 1998. Le succès du club m’a ensuite permis d’investir dans 121Time.». L’assemblage des montres s’effectue au fur et à mesure des commandes, par une entreprise nommée Rhodanus et basée en Haut-Valais. Il faut au maximum dix jours pour la réalisation et l’envoi de la montre. «Le fabricant Rhodanus est aussi un actionnaire, mais nous avons signé un contrat qui garantit notre indépendance en matière de sous-traitant, afin de pouvoir faire jouer la concurrence.»

Pour beaucoup d’acheteurs, la montre reste un acte émotionnel qui implique de voir et de toucher la marchandise, comme pour la mode ou les chaussures. C’est ce qui explique la difficulté des marques de mode à commercialiser des habits sur le Net. 121Time s’adresse donc à un marché de niche, intéressé avant tout par le label Swiss Made, les performances et les caractéristiques techniques.

L’entreprise souffre par ailleurs encore de sa faible notoriété. «Ce n’est pas facile d’imposer une nouvelle marque, surtout dans l’horlogerie, constate Daniel Morf, cofondateur de 121Time, en charge du marketing. D’autant que nos budgets sont limités: nous avons dépensé 160’000 francs en publicité cette année, et notre budget atteindra 250’000 francs en 2005. Nous utilisons essentiellement l’internet, car c’est là que se trouve notre public-cible. Nous vendons nos montres directement sur de grands portails comme Bluewin.»

Pour l’instant, 121Time a concentré son marketing sur le marché suisse et seulement 10% des commandes proviennent de l’étranger. Le développement hors pays est prévu pour 2005, tout comme la montée en gamme des produits, puisque la marque lancera une montre automatique dans la deuxième partie de l’année. «C’est un créneau qui marche très fort et nous proposerons un modèle à un prix défiant toute concurrence, se réjouit Frédéric Polli. Ce lancement sera synchronisé avec une nouvelle version de notre site internet.»

121Time a commencé à commercialiser ses produits aux Etats-Unis par l’intermédiaire des universités. Ainsi, les montres au logo de cinq grandes universités, dont celle du Texas, sont vendues depuis le Valais. «Notre allons développer ce genre de partenariat et notre notoriété en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, poursuit le fondateur. Actuellement, notre site atteint 30’000 visiteurs par mois. Il s’agit d’augmenter cette audience, ainsi que le taux de conversion de visiteurs en acheteurs.» Avec pour objectif de tripler les ventes en 2005.